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une fille qui ont conçu cette idée si simple : se marier. Suivons, par exemple, un de ces jeunes couples à la destinée desquels nous nous sommes intéressés depuis que nous les avons rencontrés, bras dessus, bras dessous, sur le boulevard. Le garçon a vingt-quatre ans. Il est ouvrier maçon, originaire d’un village de la Corrèze, et, après, avoir passé un an sous les drapeaux, il vient travailler à Paris pendant la belle saison. Il a encore son père et sa mère qui sont au pays. La jeune fille a vingt et un ans; elle est née à Paris, elle a perdu son père et sa mère et il ne lui reste plus que sa vieille grand’mère maternelle qui demeure en province. Voilà une situation dans laquelle assurément il n’y a rien d’anormal. Promesse étant échangée entre eux, ils conviennent de se rendre ensemble à la mairie de leur arrondissement pour se mettre en règle. Il faudra d’abord qu’ils choisissent un jour de semaine, car le bureau des mariages est fermé le dimanche, ce qui leur fera perdre une demi-journée de travail. Il est vrai qu’ils auront la compensation de faire une promenade ensemble. Là, ils communiqueront leur dessein à un employé qui leur répondra la phrase sacramentelle : « Avez-vous vos papiers? — Quels papiers? répondront-ils naturellement, et voici ce qu’on leur expliquera. La jeune fille devra produire : 1° son acte de naissance ; 2° un certificat constatant qu’elle a plus de six mois de résidence à Paris ; 3° l’acte de décès de son père ; 4° l’acte de décès de sa mère; 5° l’acte de décès de son grand-père paternel ; 6° l’acte de décès de sa grand’mère paternelle ; 7° l’acte de décès de son grand-père maternel ; 8° le consentement de sa grand’mère maternelle constaté par un acte notarié. Si elle était encore mineure et qu’elle eût perdu tous ses ascendans, il lui faudrait non-seulement le consentement de son tuteur, mais encore celui de son conseil de famille réuni et délibérant ad hoc. Quant au jeune homme, il devra fournir : 1° son acte de naissance ; 2° le consentement de son père et celui de sa mère par un acte notarié ; 3° ses papiers militaires, c’est-à-dire le consentement du conseil d’administration du régiment auquel il appartient. Est-ce tout? Non. Avant qu’il soit passé outre à la célébration du mariage, il leur faudra encore produire : 1° un certificat de publication dans chacun de leurs arrondissemens respectifs s’ils ne demeurent pas dans le même ; 2° un certificat de publication dans la commune où demeurent le père et la mère du garçon; 3° un certificat de publication dans la commune où demeure la grand’mère de la jeune fille. Et qu’on ne s’imagine pas que je complique les choses à plaisir. Il y a telle circonstance et non des plus étranges où six, sept et jusqu’à huit certificats de publication peuvent être nécessaires, de même qu’il y a aussi des cas très ordinaires, — père absent, enfant naturel, — où les formalités