l’ivrognerie. Ce point capital est assez difficile à élucider. Eq Angleterre, tout au moins, malgré le grand nombre des néphalistes, qui s’élèvent à 4,500,000, la consommation de l’alcool ne paraît pas avoir diminué, et elle y demeure plus élevée qu’en France. Mais on peut dire que, sans l’action de ces sociétés, elle serait plus considérable encore. Il est certain, en effet, que, dans les pays où elles sont instituées, ces sociétés exercent une influence et, pour tout dire, une tyrannie morale assez forte. J’en ai eu personnellement une preuve assez curieuse. Assistant un jour, dans une ville importante des États-Unis, à un banquet donné pai-le gouverneur de l’état, je fus frappé de voir qu’il n’y avait sur la table que des carafes d’eau glacée, et comme je demandais la cause de cette privation inusitée, il me fut répondu que les sociétés de tempérance étaient très fortes dans l’état, et que le gouverneur, ayant besoin de leurs suffrages aux prochaines élections, n’avait pas osé braver leur mécontentement en offrant du vin, même à des étrangers ses hôtes, il est vrai qu’en s’adressant à voix basse aux gens de service, il n’était pas impossible d’obtenir individuellement une petite bouteille, et comme à la fin du repas le nombre des petites bouteilles était assez grand, j’en tirai cette conclusion qu’il existe avec la tempérance des accommodemens. C’est même l’inconvénient de ces remèdes un peu excessif de n’être pas toujours très sincèrement appliqués et de favoriser un peu l’hypocrisie. Mais, en revanche, les sociétés de tempérance ont l’avantage de préparer l’opinion et de soutenir les courages lorsqu’il s’agit de faire adopter par les pouvoirs publics quelques mesures législatives contre l’alcoolisme. Quoi qu’on en ait, c’est là, en effet qu’il en faut arriver, et l’expérience ne permet pas de méconnaitre qu’en cette matière, la répression est infiniment supérieure à la persuasion. Pour excuser cette opinion réactionnaire, je m’empresserai d’abord de m’abriter derrière l’avis publiquement exprimé par l’Académie de médecine. Ce grand corps s’est prononcé à l’unanimité en faveur d’une application plus sévère de la loi contre l’ivresse, et du rétablissement du décret de 1852 sur la profession de marchand de vin. La répression de l’ivresse peut, en effet, s’exercer-de deux façons : soit contre les ivrognes, soit contre les cabaretiers. Elle peut aussi n’atteindre bien sérieusement ni les uns ni les autres. Peut-être en France est-ce un peu le cas.
La loi française contre l’ivresse date de 1873. Adoptée après de longs débats, cette loi est fort judicieuse. Elle punit également l’homme qui se met en état d’ivresse manifeste et celui qu’on pourrait appeler son complice, c’est-à-dire le cabaretier qui continue de servir à boire à l’homme déjà ivre. Tout au plus pourrait-on trouver que les pénalités qu’elle prononce sont un peu faibles. La peine n’est que