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IV.

La mort de doña Catalina, que suivit un long deuil officiel, n’amena aucun rapprochement immédiat entre Cortès et doña Marina. La belle Indienne ne reprit pas la place qu’elle avait si longtemps occupée près du héros et, si les convenances en furent en partie cause, l’humeur volage du conquérant n’y lut pas étrangère. En outre, cette fois encore, l’ambition joua son rôle prépondérant. Saturé de gloire, disposant des revenus d’un grand empire, Cortès se préparait à retourner en Espagne pour y recueillir les applaudissemens et les honneurs auxquels il avait droit, qu’il sentait mériter. Agé de trente-cinq ans, il avait « mené à bien » la conquête de plusieurs royaumes et, selon l’heureuse phrase qui lui est attribuée par Voltaire, donné à sa patrie, sans lui avoir demandé aucune aide, « plus de provinces qu’elle ne possédait de villes avant lui. » Or, à l’heure où le conquérant songeait à s’embarquer, il apprit à l’improviste que Cristoval de Olid, celui de ses lieutenans qu’il avait chargé de soumettre le Honduras, venait, conseillé par le haineux Diego Vélasquez, de se déclarer indépendant. C’était là un acte d’audace que son inflexible capitaine, Olid eût dû le savoir, n’était pas homme à laisser impuni.

Convaincu qu’il aurait vite raison de cette rébellion, Cortès se mit en route pour Tabasco et appela doña Marina. Le diacre Aguilar était mort, et le conquérant, comme par le passé, allait avoir besoin des conseils et du savoir de son intelligente interprète, précisément née dans le pays qu’il devait traverser, qui devait lui servir de base d’opérations. doña Marina accourut; mais, à peine les deux anciens amans étaient-ils en marche qu’une clameur de réprobation s’éleva dans Mexico, et les insinuations, les accusations sur les causes criminelles de la mort de doña Catalina circulèrent avec une nouvelle intensité. Prévenu et voulant rendre muettes la malveillance et la jalousie, Cortès eut recours à un expédient inattendu. Arrivé près d’Orizava, il fit brusquement épouser doña Marina par un de ses officiers, le grave don Juan de Jaramillo, fait imprévu que nous apprend en deux lignes, et sans commentaires, don Bernal Diaz del Castillo.

Ce mariage conclu d’une façon si brusque a naturellement préoccupé les historiens, qui eurent d’abord peine à se l’expliquer. Comment doña Marina, qui aimait tendrement Cortès, put-elle s’y prêter, et comment Juan de Jaramillo, a homme prééminent, » dit Bernal Diaz, et qui occupa plus tard de hauts emplois, put-il, de son côté,