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avait passé; à midi, tout était réuni sur la rive gauche de l’Isser. Ainsi, deux lois de suite, Abd-el-Kader s’était laissé décevoir et, sans grands frais d’invention, le général Bugeaud avait deux fois réussi par le même stratagème. Dès lors tout son désir fut d’être attaqué ; il en eut l’espoir quand, dans l’après-midi, il vit défiler par la rive droite de l’Isser une grosse colonne de cavalerie qui vint prendre position à une lieue environ sur sa gauche. Le soir, il fit lire aux troupes l’ordre suivant : « Vous serez attaqués demain dans votre marche; vous saurez un temps souffrir les insultes de l’ennemi et vous vous bornerez à le contenir ; mais, dès que je pourrai jeter le convoi dans Tlemcen, vous prendrez votre revanche, vous marcherez à lui et vous le précipiterez dans les ravins de l’Isser, de la Sikak ou de la Tafna. » La Sikak, qui est le cours inférieur du ruisseau nommé Safsaf dans son cours supérieur, se réunit à l’Isser à quelque distance du point où l’Isser se réunit à la Tafna ; les ravins de ces trois cours d’eau ne sont donc pas éloignés les uns des autres.

Le 6 juillet, à trois heures du matin, le général Bugeaud fit mettre en marche le convoi dont il voulait se débarrasser au plus vite ; mais la queue de cette longue file d’animaux n’avait pas encore passé la Sikak, lorsque, entre quatre et cinq heures, on vit cette cavalerie qu’on avait signalée la veille, traverser l’Isser; le général Bugeaud la fit contenir sur la rive droite de la Sikak par les Douair soutenus d’un escadron de chasseurs et d’un bataillon du 24e. En même temps, du côté opposé, on voyait sortir des ravins et s’élever sur le plateau compris entre la Tafna au couchant, l’Isser au nord et la Sikak à l’est, une autre troupe de cavaliers et des masses de Kabyles. Le dessein de l’émir était évident; tandis que le premier groupe de cavalerie, conduit par Ben-Nouna, manœuvrait pour attaquer et retarder l’arrière-garde française, le gros des forces ennemies s’avançait pour gagner la tête de la colonne, lui couper le chemin de Tlemcen et la mettre entre deux feux. L’esprit net et décidé du général Bugeaud eut bientôt arrêté son plan de bataille. Le convoi ayant achevé de passer la Sikak, il déploya contre la cavalerie de Ben-Nouna, parallèlement au ruisseau, mais à quelque distance en-deçà, la moitié du bataillon d’Afrique et le 62e ; perpendiculairement à la gauche du 62e, il mit en bataille le 23e et l’autre moitié du bataillon d’Afrique; en avant de cette ligne, un bataillon du 47e et deux du 17e léger étaient formés en colonnes doubles ; les chasseurs d’Afrique en colonne par escadron se tenaient prêts à déboucher par les intervalles ménagés entre ces masses d’infanterie. Les Douair et le 24e avaient été rappelés à la suite du convoi qui était parqué dans l’angle dessiné par les deux lignes des troupes, sous la protection spéciale du capitaine Cavaignac et de son bataillon. Cette disposition