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petite oasis qu’on trouve avec plaisir après avoir traversé les trente lieues de désert stérile, incultivable, qui la séparent d’Oran ; mais, en même temps, on est étrangement surpris de voir quelque chose de si peu semblable au portrait oriental qu’on nous en avait fait. Tlemcen est un monceau de vilaines ruines; c’est un amas de petites cabanes carrées, dont il ne reste plus que les quatre murailles plus ou moins dégradées; une petite partie est encore debout et n’en est pas plus belle. Elle recèle quatre ou cinq mille Maures, juifs ou coulouglis, qui ont l’air fort misérable et qui sont très malheureux. La contribution a commencé leur ruine, le blocus l’a bien avancée, et, comme ils ne recueillent rien, il faudra bien que leur petite bourse s’épuise. La position de cette ville est agréable; de belles eaux, qui descendent de la montagne voisine, la traversent et vont arroser ses jardins et un bois d’oliviers que je croyais plus vaste, d’après le dire pompeux de nos africains enthousiastes. Je crois être libéral en portant à 200,000 francs le produit des olives de Tlemcen. Après ce bois se trouvent quelques champs de médiocre qualité; quelques pièces d’orge, restes d’Abd-el-Kader, attestent que la récolte était fort chétive ; du reste, pas un épi de froment. »

Le général Bugeaud ne séjourna que deux jours à Tlemcen ; il en repartit le 26 juin. Les éclopés de la colonne, laissés dans la ville, étaient remplacés par deux cents hommes du Méchouar et trois cents coulouglis sous les ordres du capitaine Cavaignac. La direction était donnée sur le camp de la Tafna. Le général Bugeaud allait-il réussir là où avait échoué le maréchal Clauzel? Arrivé le 27 à dix heures du matin, sur l’Isser, il fit mine de vouloir s’engager dans la gorge qui avait arrêté le maréchal; quand il eut attiré de ce côté toutes les forces d’Abd-el-Kader et tous les Kabyles des environs, il tourna brusquement à droite, se mit à gravir les pentes du Djebel-Tolgoat, haut de 500 mètres, et atteignit sans combat le col de Seba-Chiourk, où il prit son bivouac. La terrible gorge était tournée. Le lendemain, il alla par les hauteurs la reconnaître; il vit une coupure à parois verticales, au fond de laquelle coulait la Tafna; six cents hommes y auraient tenu toute une armée en échec. Le 29 juin, la colonne atteignit le camp retranché. Un second convoi de ravitaillement pour Tlemcen y fut organisé sans retard. A la place du bataillon d’Afrique, qui prit son rang dans la colonne, un bataillon du 47e et quelques compagnies du 23e et du 62e furent détachés pour la garde du camp. Le 4 juillet, à quatre heures du soir, une avant-garde, conduite par le colonel Combe, remonta la rive droite de la rivière dans la direction de la gorge, à l’entrée de laquelle il bivouaqua; au milieu de la nuit, en grand silence, il prit sur sa gauche un sentier qui le conduisit au col de Seba-Chiourk; le gros des troupes et le convoi le rejoignirent; à huit heures du matin, tout