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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.

Que de bruit et quelle aventure pour des sous-préfets ! Ce ne sont pas ces malheureux sous-préfets, il est vrai, qui ont fait tout le mal, ou, s’ils l’ont fait, c’est bien sans le vouloir et sans le savoir. Ils sont innocens de cette crise ministérielle dont une chambre incohérente et présomptueuse s’est donné le passe-temps, pour mieux amuser sans doute les derniers jours de cette année qui va finir. Ils n’ont été qu’un prétexte ; ils ont fourni une occasion. La crise se préparait depuis quelques jours, depuis quelques semaines ; on la voyait, on la sentait venir. Elle a été l’œuvre d’une commission brouillonne, d’un gouvernement irrésolu et d’une chambre ahurie, tous occupés à bâcler un budget, sans plus savoir ce qu’ils faisaient, dans une indéfinissable anarchie d’idées et de votes.

Le fait est que, le jour où il a été avéré que la commission des finances et le gouvernement étaient en guerre, qu’ils ne s’entendaient plus pour donner au pays la première des lois, celle sans laquelle on ne peut vivre, le budget, la chambre, livrée à elle-même, s’en est donné à cœur-joie, comme on dit ; elle s’est précipitée bride abattue à travers les chiffres et les crédits, fourrageant un peu partout, se moquant du gouvernement et de la commission, narguant la loi et les prophètes. Elle s’est mise subitement à jouer à l’économie, comme d’autres fois elle s’est amusée à prodiguer les millions, et même les milliards, pour les palais scolaires ou pour les chemins de fer électoraux. L’économie était devenue sa passion, sa fantaisie. Chacun a eu son petit projet et a eu pour un jour la chance de le faire accepter dès qu’il s’agissait de tailler dans un service public. Vainement le dernier ministre des finances, découragé et morose, se levait encore de temps à autre pour articuler quelque plainte, quelque réclamation, il en était