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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : Renée Mauperin, pièce en 3 actes, tirée du roman de MM. Edmond et Jules de Goncourt, par M. Henri Céard. — Palais-Royal : Gotte, comédie en 3 actes, par M. Henri Meilhac.

Renée Mauperin, à l’Odéon, est-ce le Cid du naturalisme ? Est-ce « la bonne nouvelle » triomphant sur les planches, par l’opération de M. Céard, l’un des apôtres de Médan, à qui M. de Goncourt a confié cette précieuse matière ? Dans une série de scènes analogue à la libre suite des chapitres inégaux du livre, et sur le fond mobile d’un décor aussi heureusement peint qu’il fut imaginé, des caractères vont-ils s’exprimer, et, avec ces caractères, des mœurs, et les uns et les autres par un style qui simule les improvisations de la vie ?

Les trois coups sont frappés. Sans doute, la toile, en se relevant, nous découvrira ce hardi et gracieux tableau : la « pleine eau » de Renée. On se rappelle cet original début du roman, où se montre, en costume de bain, l’esprit aussi bien que la personne de la jeune fille ; ce tête-à-tête, au-dessus des flots clapotans de la Seine, avec un jeune homme à qui elle prend soin de faire connaître l’innocente désinvolture de sa parole, de sa pensée, de ses sentimens. Et, de ce paysage de banlieue parisienne, nous serons transportés tout à l’heure dans la chambre de M. et de Mme Mauperin ; les rideaux de l’alcôve seront ouverts ; nous assisterons à ce mémorable coucher de parens bourgeois, à leur magistrale dispute sur l’établissement et l’avenir de leurs enfans… Mais non ! voici, dès l’abord, M. et Mme Mauperin, en costume de ville, sur un plancher solide, qui est celui de leur salon. Et voici que, par des répliques ordonnées exprès, ils font l’exposition de la pièce, comme un père et une mère de chez M. Augier.

C’est que M. Céard, cette fois, n’a pas risqué la bataille dont M. Porel lui-même ne se fût peut-être pas soucié de fournir le champ. Il a été modeste : il s’est dévoué à l’œuvre de ses maîtres et à son regain de succès, plutôt que de faire sur elle une expérience hasardeuse de leur