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Gladstone venait de déclarer lui-même, dans un manifeste, qu’il était prêt à accepter les modifications nécessaires. Enfin, M. Chamberlain ne dissimulait pas qu’il était prêt à déclarer son adhésion au bill modifié, et l’on savait qu’un grand nombre de ses partisans l’accompagneraient dans le retour au bercail. On attendait donc avec anxiété les explications de M. Gladstone. Celui-ci se contenta de déclarer, en termes vagues, qu’il ne se refuserait point, en effet, à considérer telles suggestions nouvelles qui pourraient être proposées au sujet du bill lorsque celui-ci, la seconde lecture ayant été votée, serait de nouveau en commission, et qu’il accepterait notamment la participation de la représentation irlandaise aux travaux du parlement toutes les fois qu’il s’agirait des questions de douane ou d’excisé pour l’Irlande, ainsi que la formation d’une commission mixte composée de délégués des deux parlemens pour l’examen des traités et d’autres affaires ayant un caractère impérial. Ces paroles, prononcées au milieu d’un silence glacial, causèrent dans les rangs des sécessionnistes le plus vif désappointement ; M. Gladstone ne cédait rien en réalité ; aucun rapprochement n’était possible ; il n’y avait plus qu’à voter contre le bill. M. Labouchère, qui s’était entremis avec zèle entre M. Gladstone et les dissidens, vit que tout était rompu de nouveau, et s’en alla exhaler son dépit dans les couloirs.

En séance publique, les attaques des libéraux unionistes contre les deux bills recommencèrent avec la plus âpre vivacité. Ils avaient à faire comprendre et excuser par l’opinion publique leur sécession et n’y épargnaient point leur peine, à cause de la popularité extraordinaire de M. Gladstone. En réponse à ces attaques, les parnellistes venaient l’un après l’autre, O’Brien, Mc Carthy, O’Connor, Sexton, Healy, décerner au grand homme d’état, au restaurateur de la paix entre l’Irlande et la Grande-Bretagne, les plus magnifiques éloges. Hors du parlement, le cabinet multipliait les efforts pour ameuter les caucus locaux contre les unionistes. Le 27 mai, une grande réunion du parti libéral fut convoquée au ministère des affaires étrangères. Comme il fallait, pour y être admis, adhérer à la formule suivante : établissement en Irlande d’un gouvernement ayant le contrôle des affaires spécialement ou exclusivement irlandaises, lord Hartington, M. Chamberlain et M. Bright, cet ancien ami de M. Gladstone, se trouvèrent exclus du cénacle. Le premier ministre y répéta les déclarations qu’il avait faites à la chambre ; il ajouta toutefois que, tenant seulement à faire adopter le principe de l’autonomie irlandaise, il ne chercherait pas à pousser le bill immédiatement au-delà de la deuxième lecture, se réservant de le représenter à la session d’automne avec les remaniemens rendus