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liberté des citoyens, demanderait au parlement des pouvoirs exceptionnels pour le cas où les provisions des lois ordinaires deviendraient insuffisantes. Suivait l’annonce de diverses mesures qui seraient présentées au parlement conformément au programme officiel du parti conservateur aux dernières élections, et notamment des bills pour le gouvernement local dans les comtés (Grande-Bretagne et Irlande), des bills pour la négociation et le transfert des terres, etc. La discussion de l’adresse était à peine ouverte lorsque M. Gladstone fit entendre aux parnellistes qu’il était prêt, s’il revenait au pouvoir, à leur faire une offre sérieuse et dit qu’il ne pouvait comprendre que l’on parlât de loi fondamentale à propos de l’act d’union, alors que l’unité de l’empire avait existé pendant six cents ans avant cet act. M. Parnell et l’un de ses lieutenans, M. Sexton, répondirent en termes chaleureux à cette déclaration. Lord Randolph Churchill se hâta de bien établir la différence qui caractérisait la politique gladstonienne de celle des conservateurs, en disant que les mesures que proposait le cabinet pour le gouvernement local ne contiendraient aucune clause tendant à l’établissement d’une législature irlandaise séparée. Quelques jours après, renonçant à tout atermoiement, le cabinet donna avis qu’il allait présenter un bill visant le rétablissement de l’ordre social en Irlande par la suppression de la Ligue nationale. Cette annonce scellait l’alliance entre M. Gladstone et M. Parnell, et le résultat ne s’en fit pas attendre. Sur un amendement à l’adresse présenté par M. Jesse Collings, le cabinet fut battu par 329 voix contre 258. L’amendement reprochait au gouvernement de n’avoir fait aucune promesse d’appliquer avec énergie la politique de division de la propriété foncière. Lord Hartington et M. Goschen, qui ne sont rien moins que des démagogues et qui ne voulaient paraître à aucun prix encourager les espérances extravagantes que représente la formule popularisée par les radicaux : « Trois acres et une vache, » avaient parlé et voté contre l’amendement. C’était un commencement de sécession. Il ne s’agissait encore que de quelques sommités du monde parlementaire. Mais déjà les chefs des grandes familles whigs et des radicaux réputés pour leur indépendance de caractère ne cachaient pas l’intention de résister à une politique de soumission devant les menaces de la Ligue nationale.


VI

M. Gladstone, chargé par la reine de composer une nouvelle administration, n’essaya même pas d’enrôler quelques-uns de ses anciens collègues. D’autres, dont il rechercha le concours, le lui refusèrent. Parmi les premiers sécessionistes, figuraient, avec lord