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quelque résistance, M. Parnell, qui était en pleine négociation avec le parti conservateur, promit d’obéir aux injonctions de ses patrons d’Amérique. Le 26 août, il tint sa promesse.

Il avait convoqué pour ce jour-là à Dublin ses principaux lieutenans et la plupart de ses collègues de la chambre. Il avait à leur exposer, dit-il, le plan de la campagne électorale en Irlande. Il déclara solennellement que, dans le prochain parlement, il réclamerait l’indépendance législative, en d’autres termes, le rappel de l’acte d’union, le rétablissement d’un parlement irlandais à Dublin. Après les tergiversations sans fin du précédent ministère britannique, entre de timides lois pour l’amélioration du sort des fermiers et des lois de coercition attentatoires à la liberté individuelle, l’adoption d’une telle mesure pouvait seule mettre un terme aux maux de l’Irlande. Pour arracher à l’Angleterre cette concession suprême, il fallait que le groupe parlementaire irlandais fût l’arbitre souverain des ministères dans la chambre des communes, et le moyen était tout à portée. Il suffisait que, dans chaque circonscription électorale de l’Irlande (il y en avait 102 d’après la loi nouvelle), la ligne nationale présentât et fit triompher un candidat qui se fût engagé de la façon la plus formelle à lui obéir, à lui Parnell, en toute circonstance, dès qu’il s’agirait d’un vote à la chambre, et à donner sa démission plutôt que d’enfreindre son engagement.

La publication de ce discours produisit en Angleterre une très vive sensation. Elle déconcerta les tories, en leur enlevant l’illusion d’une alliance dont ils avaient pensé tirer un.si bon parti. Elle provoqua dans la presse de toutes les opinions une véritable explosion d’indignation. Le Daily News et le Morning Post condamnèrent presque dans les mêmes termes le cri de séparation de M. Parnell et ripostèrent par le cri de l’union. Le Standard conseillait une alliance des tories et des libéraux contre le home rule, comme si déjà la preuve n’avait pas été faite que cette alliance était une utopie. Le marquis de Salisbury put se convaincre que ses avances à M. Parnell ne seraient pas récompensées, et ne lui serviraient pas plus que n’avait profité à M. Gladstone le pacte de Kilmainham.


IV

Les vacances sont finies. Tout le monde est rentré et la campagne électorale s’engage. Le combat commence par un duel d’artillerie à longue portée. Les leaders des deux camps se lancent à la tête leurs manifestes, que vont reproduire à l’infini des centaines de candidats. De même on voit, dans l’Iliade, les héros s’injurier avant que les mortels obscurs se précipitent dans la mêlée. Du