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présent tous les gouvernemens de la Grande-Bretagne. Mais la création de ce conseil national à Dublin, appuyé sur des conseils locaux, chargés de l’administration des affaires spéciales à chaque comté, n’était qu’une partie d’un plan général impliquant l’institution de conseils semblables pour l’Ecosse et pour le pays de Galles. « La première œuvre du parlement réformé de 1832, dit-il, a été l’établissement du gouvernement local dans les cantons. La première œuvre du parlement réformé de 1868 a été d’étendre la sphère du gouvernement local aux questions d’enseignement. Le parlement réformé de 1885 aura pour première tâche d’achever l’édifice du gouvernement local dans quelques parties du royaume-uni et d’en jeter les fondemens dans les autres parties. » L’éditeur de la Fortnightly Review appelait l’attention publique sur cet exposé des vues d’un des principaux chefs du libéralisme. « Il n’est pas douteux, dit-il, que la solution proposée par M. Chamberlain ne soit celle que M. Gladstone défendra et fera triompher dans le prochain parlement et devant le pays. »

Ce que lord Carnarvon avait pu se laisser aller à promettre implicitement à M. Parnell avait, sans doute, une forte analogie avec le système préconisé par M. Chamberlain. Mais il n’était entré dans la pensée d’aucun de ces deux hommes d’état que la concession à l’Irlande d’une part quelconque de contrôle sur ses propres affaires pût entraîner le moindre péril pour le maintien de l’unité impériale. Ni le conservateur ni le radical n’avaient entendu qu’ils fussent prêts à concéder à l’Irlande le home rule, en termes francs et nets la rupture de l’union avec la Grande-Bretagne.

C’était pourtant là ce que voulaient en réalité les autonomistes irlandais. La chambre des communes était impropre, pensaient-ils, à gouverner l’Irlande. L’état-major de fonctionnaires anglais envoyés de Londres pour gérer les affaires générales du pays et composant ce qu’on appelait la coterie du château (the Castle), vivait absolument isolé dans sa résidence officielle, ne connaissant rien des sentimens et des besoins de la population irlandaise. Il en était de même des vingt-trois gentlemen que le shérif réunissait deux ou trois jours par semestre au siège de chaque comté pour régler les affaires locales et voter les taxes. De même pour les inspecteurs de police et pour les juges. Entre cette cohorte d’étrangers aux gages de la couronne et le peuple, que pouvait-il y avoir de commun ? Intérêts, religion, politique, tout ne les tenait-il pas séparés et hostiles ? Les nationalistes demandaient pour les Irlandais le droit de rentrer en possession du contrôle de leurs écoles, de leurs ponts, de leurs routes, de leurs établissemens de bienfaisance. Ils voulaient bien autre chose encore, un parlement à eux, fabriquant des lois à Dublin, avec un budget national à voter, avec des ministères