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suscité plus d’embarras et causé plus d’irritation qu’au temps de la politique agressive de Beaconsfield.

Au lieu de la paix, on a eu la guerre en Égypte, le bombardement d’Alexandrie, l’expédition lamentable du Soudan, les troubles dans le sud de l’Afrique, l’incident des frontières de l’Afghanistan. L’Angleterre devait se dégager le plus possible de ses obligations extérieures ; elle s’est enfoncée plus avant dans le problème inquiétant de l’occupation égyptienne.

Peu à peu, dans le parlement, la majorité libérale s’égrenait, tombant de 150 à 14 pour disparaître bientôt et laisser précipiter ses chefs du pouvoir. Pourquoi tant d’insuccès répétés au dedans et au dehors, et le découragement profond qui assombrit les derniers jours de ce parlement ? Le niveau intellectuel de la chambre des communes n’était certes pas inférieur à la moyenne des précédentes assemblées. La majorité n’avait aucune raison sérieuse de se diviser. M. Gladstone était toujours un incomparable orateur, un législateur aussi ingénieux que fécond. L’esprit et les tendances du libéralisme continuaient à prévaloir dans toute l’étendue du pays. Les événemens, cependant, ne cessèrent de se tourner contre une administration animée des intentions les plus nobles et les plus patriotiques. Sous l’action de causes anciennes qui avaient déjà éprouvé des parlemens et des cabinets antérieurs, M. Gladstone recueillit autant de déboires dans ses efforts pour amadouer et contenir l’Irlande, qu’il montra de vacillation et d’incertitude dans le traitement de la politique extérieure. On avait presque oublié, pendant que lord Beaconsfield dirigeait les destinées de l’Angleterre, qu’il y avait une question irlandaise. Les Molly-Maguire, les fenians, ne faisaient plus parler d’eux. Les fermiers payaient tant bien que mal leurs rentes, l’ordre régnait, ou du moins un certain ordre, une tranquillité de surface. La chute du parti tory réveilla malheureusement des aspirations contenues pendant quelque temps, et les libéraux étaient à peine installés au pouvoir que la rubrique des crimes agraires recommençait à couvrir d’interminables colonnes dans les journaux. M. Gladstone, qui s’est constitué le grand pourvoyeur de législation spéciale pour l’Irlande et qui avait déjà fourni à ce pays la loi pour la suppression de l’église officielle et le tenant right de 1870, se mit en tête que des lois nouvelles irlandaises étaient nécessaires et que ce devait être là l’œuvre la plus urgente de son administration.

Le gouvernement anglais se trouvait en présence d’une agitation dirigée contre le paiement des fermages (anti-rent agitation) par M. Parnell, le nouveau chef de la protestation de l’Irlande contre l’oppression anglaise. Successeur d’Isaac Butt, qui lui avait légué la direction du parti formé pour le rappel de la loi d’union