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assemblées délibérantes. « c’est une erreur, disait-il, de croire la France disposée à abandonner la papauté aux hasards des événemens et aux convoitises des passions. Nous avons soumis la question romaine à toutes les puissances intéressées; elles ne méconnaissent pas que l’état des choses, en Italie, peut, par un contre-coup, amener en Europe des complications de nature à affecter leurs intérêts. Si la conférence se réunit, nous ferons cesser une occupation anormale. Si la conférence ne se réunit pas, nous retomberons sous le régime de la convention de septembre, et nous demanderons au gouvernement italien s’il peut cette fois l’exécuter et donner des garanties formelles. Dans ce cas, nous remettrons la papauté une seconde fois entre les mains de sa loyauté. »

Les paroles ne peuvent rien contre les choses ; les déclarations nettes ne sortent pas des situations incertaines. M. de Moustier cédait à des illusions; personne en Europe n’avait envie de mettre la main dans l’engrenage romain, et pour l’Italie, la convention de septembre, après le refus que nous avions opposé à M. Rattazzi de la modifier d’un commun accord, était déchirée par le fait de notre intervention : elle ne se souciait pas de reprendre une chaîne qu’elle tenait pour brisée. Elle nous opposait les argumens dont se servent les enfans égoïstes, imprudemment émancipés par ceux qui les ont couvés. Elle nous disait avec une cruelle logique : « Je suis votre œuvre, vous avez fait de moi une nation indépendante, et sur vos instances l’Europe m’a reconnue comme telle. Vous avez mauvaise grâce de me le reprocher aujourd’hui; en intervenant chez moi, vous violez votre principe, vous méconnaissez mon droit: vous m’empêchez de vivre. Je ne puis exister sans Rome et je ne désarmerai que lorsque mon drapeau flottera sur la coupole de Saint-Pierre. » Le maintien du vote de 1861 : « Rome capitale » et la circulaire du général Menabrea du 12 novembre ne laissaient aucun doute sur l’intention bien arrêtée de l’Italie de profiter de toutes les occasions et de recourir à tous les moyens, même à ceux que la morale réprouve, pour compléter son unité. Elle n’entendait pas proscrire le pape, elle tenait à le conserver, mais comme gardien du tombeau des apôtres, comme trésor de sacristie, dépouillé de toute puissance temporelle et protégé par son roi.

Mentana n’avait rien résolu, et la conférence était d’avance « frappée de stérilité.» l’Italie, à la face de l’Europe, persistait à contester à la papauté temporelle le droit de vivre sur le sol italien. L’antagonisme entre le droit ancien et le droit nouveau, proclamé par l’empire, se dressait en pleine lumière.


G. ROTHAN.