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apostoliques : « Votre sainteté m’a dit beaucoup de choses qui m’ont été douces sur la chaire de Pierre, prince des apôtres ; elle a même ajouté qu’il y préside toujours en la personne de ses successeurs. J’ai volontiers écouté tout cela, car celui qui me parle ainsi du siège de Pierre occupe, lui aussi, le siège de Pierre, et moi qui n’aime point les honneurs qui ne s’adressent qu’à moi, je me suis réjoui, car vous vous donnez à vous-même, très saint frère, ce que vous m’attribuez. Bien qu’il y ait eu plusieurs apôtres, le seul siège du prince des apôtres a obtenu la primauté, ce siège d’un seul qui est établi en trois lieux, car Pierre a exalté (sublimavit) le siège de Rome, où il a daigné se reposer et finir sa vie terrestre ; il a honoré (decoravit) le siège d’Alexandrie où il a envoyé son disciple saint Marc l’évangéliste ; il a établi (firmavit) le siège d’Antioche où il est demeuré sept ans. C’est donc sur un seul siège et sur le siège d’un seul que sont assis trois évêques de par la volonté divine. Aussi je prends pour moi tout le bien qui est dit de vous, et, si vous entendez dire quelque bien de moi, attribuez-le à vos mérites, car nous sommes une seule et même personne en l’apôtre Pierre. » Il est impossible de mieux cacher sa propre grandeur sous de plus ingénieux artifices de mots ; la hiérarchie n’est indiquée que par des nuances dans l’expression : établi, honoré, exalté, marquent les trois degrés du siège triple et un du haut duquel le vicaire du Christ gouverne la chrétienté.

Cette modestie même et cette prudence permettaient au pape de repousser nettement les prétentions de Constantinople : « Que Constantinople garde sa gloire, écrit Léon le Grand à l’empereur après le concile de Chalcédoine, je suis le premier à le désirer ; mais les choses divines ne se règlent pas sur les mêmes principes que les séculières. Il n’y aura point de construction stable hors de la pierre que le Seigneur lui-même a placée au fondement… Que l’évêque de Constantinople se contente d’habiter une ville royale, mais qu’il ne s’imagine pas qu’il en fera jamais une ville apostolique. » Regia urbs, urbs apostolica : l’antithèse est expressive, elle met en présence les deux théories, mais elle explique aussi qu’elles sont inconciliables et qu’il n’y a pas d’autre solution au conflit que la séparation. Les papes réussirent à contenir leurs rivaux ; ils obtinrent plus d’une fois la reconnaissance de leur droit, mais ils ne furent jamais assurés qu’il ne se produirait pas de retours offensifs. Tantôt l’empereur tient pour l’évêque de la ville royale ; tantôt il donne indifféremment la qualité de « tête de toutes les églises » à l’évêque de Rome et à celui de Constantinople, ou bien il feint de ne pas s’intéresser à cette querelle de prêtres. Il exprime un jour à Grégoire son étonnement qu’une « appellation