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ni les votes solennels de son parlement, déclarant « Rome capitale; » elle persistait à considérer la possession de la Città eterna comme indispensable à sa constitution définitive. Ce qu’elle ne pouvait obtenir ni par la révolution ni par la diplomatie, elle se flattait de l’obtenir, tôt ou tard, des complications européennes qui surgiraient inévitablement; elle escomptait un conflit entre la France et la Prusse. Il n’y avait pas un Italien, quels que fussent ses principes, qui ne partageât cette conviction. Pour le moment, l’Italie subissait la loi du plus fort ; comme Rome, elle restait passive et se retranchait à son tour derrière le Non possumus.

Il fallait cependant une solution. Il importait de savoir, du moment qu’on avait renoncé aux résolutions viriles commandées par les circonstances, ce que l’on substituerait à une convention mal conçue, mal libellée, prêtant à des subterfuges et qui avait misérablement abouti à la catastrophe de Mentana. Il s’agissait de la remplacer par de nouvelles garanties. La France ne pouvait pas, à défaut d’instrument diplomatique, être ramenée aux interventions intermittentes; elle eût été condamnée à immobiliser une flotte et une armée à Toulon, exposée à embarquer, à débarquer et à réembarquer ses soldats au gré des passions italiennes ; à combattre de nouveau ceux qu’elle avait secondés, dont elle avait refait la nationalité, à voir se retourner contre elle la force à laquelle elle avait imprudemment donné l’essor. Telles étaient les conséquences du pacte de Plombières, d’une politique antifrançaise, fondée sur des idées fausses et qui par une logique fatale devait chaque jour porter une atteinte nouvelle aux conditions de notre sécurité et de notre grandeur. Comme Pénélope, l’empereur faisait et défaisait les trames de sa politique. Il n’avait pas cru à l’unité italienne lorsqu’il s’était engagé avec le ministre du roi Victor-Emmanuel. « Il suffit de regarder la carte, disait-il un jour au comte Arese, qui, du temps de sa jeunesse, avait conspiré avec lui dans les Romagnes, pour voir que la configuration de la péninsule ne se prête pas à un état centralisé; elle restera par la force des choses divisée en trois tronçons: l’Italie du nord, l’Italie centrale et le royaume de Naples. » Napoléon III, en invoquant les lois géographiques qui, d’après lui, s’opposaient à l’unification, ne comptait ni avec le comte de Cavour ni avec la révolution. Il ne prévoyait pas qu’en provoquant l’alliance de 1866, il créerait non-seulement l’unité italienne, mais aussi l’unité germanique, et qu’en Allemagne avec le comte de Bismarck la théorie des trois tronçons n’aurait pas plus de succès qu’en Italie avec le ministre du roi Victor-Emmanuel. Il espérait aujourd’hui, à bout de ressources, après s’être opposé depuis 1849 à toute intervention étrangère dans la péninsule autre que la sienne, placer la tiare sous la protection des armées catholiques de l’Europe,