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mémoire, les livres perdus lors du sac de Jérusalem. C’est là une hypothèse enfantine, qui n’a pour origine que l’Apocalypse d’Esdras, écrit apocryphe des dernières années du 1er  siècle de notre ère, et pour laquelle, cependant, saint Jérôme et quelques pères de l’église ont eu de singulières complaisances. Selon d’autres, Esdras serait l’auteur des parties sacerdotales qui, dans le Pentateuque actuel, enveloppent et complètent les anciennes parties jéhovistes. Rien de moins vraisemblable que d’attribuer à un scribe sans talent, d’un esprit plat et mesquin, une œuvre aussi considérable. Ce qui est possible, probable même, c’est qu’Esdras ait eu la main dans la rédaction des dernières additions rituelles et lévitiques. Un grand nombre de règles n’étaient pas rédigées, ou l’étaient d’une manière sporadique, comme des lois isolées. La fusion de tout cela en un seul corps de Pandectes semble avoir été postérieure à la restauration du culte. La première restauration de Zorobabel et de Josué, fils de Josadaq, se fit dans des conditions de grande faiblesse littéraire. Le sofer, ou scribe, paraît y avoir eu peu de part. La restauration d’Esdras, au contraire, est bien une œuvre de soferim ou mebinim. Il est vrai que, selon nos idées, celui qui rédige les textes et celui qui les interprète sont des personnes distinctes. Le rôle d’Esdras, faisant de la casuistique et de la tyrannie au nom de la loi, a l’air, au premier coup d’œil, de supposer une loi close et bien établie. Mais il ne faut pas, en pareille matière, procéder par des raisonnemens a priori. Autant qu’il est permis d’entrevoir l’état des textes que possédait Esdras, il ne semble pas qu’à l’origine il connût le Pentateuque tel que nous l’avons. Entre l’arrivée d’Esdras comme docteur à Jérusalem, et l’arrivée de Néhémie comme gouverneur, il s’écoula quatorze ans. Esdras, durant ce temps, n’est pas resté oisif. Son activité de sofer mahir dut s’exercer. Il est parfaitement admissible que les différentes parties de l’Hexateuque se soient à ce moment agglutinées d’une façon définitive. Le conglomérat formé, selon nous, sous Ézéchias et grossi sous Josias, du Deutéronome, se doubla presque par l’addition d’une foule de lois, écrites à diverses époques, provenant de sources multiples. Les essais théoriques d’Ézéchiel et de son école s’y fondirent. De là, ce fait important que le code sacerdotal et lévitique n’a pas d’unité comme le Deutéronome. Seul, le petit code ézéchiélique (Lévit., XVIII-XXVI) resta comme un caillou roulé, que les mouvemens ultérieurs ne décomposèrent pas.

En ce qui concerne les lois, l’œuvre d’insertion et de compilation était facile, vu le peu de souci qu’on avait alors d’un ordre méthodique. En ce qui concerne les faits de la vie de Moïse, l’opération fut plus délicate. On dut procéder, pour les fusions