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Il est plus difficile de dire quand s’acheva ce travail de législation sacerdotale que de dire quand il commença. La restauration du culte à Jérusalem en marque le point culminant, mais non la fin. On peut même dire que la révolution qui substitua le pouvoir sacerdotal de Josué, fils de Josadaq, au pouvoir satrapique de Zorobabel, était accomplie, quand les parties les plus importantes du nouveau code furent écrites. Or, cette révolution fut postérieure à l’art 2 de Darius, fils d’Hystaspe. Les parties lévitiques du Pentateuque paraissent donc avoir été rédigées dans les dernières années du VIe siècle avant Jésus-Christ. Les prophètes Aggée et Zacharie paraissent n’en avoir pas en connaissance. Ceux qui prennent au sérieux les récits du livre dit d’Esdras font descendre la fin du travail jusque vers l’an 450 avant Jésus-Christ. Certes, un demi-siècle n’est pas trop pour l’accomplissement d’une transformation aussi considérable, laquelle dut se faire avec bien des hésitations et des temps d’arrêt. Il semble cependant qu’aucune partie essentielle de la Thora n’est postérieure à l’an 500. L’énergie créatrice était finie en Israël. Le prophétisme était épuisé. La méditation et non la confection de la Thora allait désormais absorber toute l’activité religieuse de la nation. Le second Isaïe, le dernier et le plus inspiré des prophètes, vivait peut-être encore quand un pieux Israélite écrivait ce psaume cxvi, énorme acrostiche en vingt-deux octaves de versets, répondant aux vingt-deux lettres de l’alphabet, où chaque verset contient, en synonymes variés, l’éloge cent soixante-seize fois répété de la loi de Iahvé.


IV

Même quand la Thora de Iahvé eut absorbé presque toute la conscience religieuse d’Israël, l’unité du livre, tel que nous l’avons, pouvait n’être pas encore bien solidement établie. Les exemplaires étaient extrêmement rares ; il n’y en avait pas deux qui fussent identiques. Pour plusieurs, la Thora, c’était le Deutéronome seul. Pour d’autres, c’était le conglomérat datant d’Ezéchias, ayant englobé le Deutéronome. Pour d’autres, c’étaient de petits codes comme le petit Lévitique[1], prétendant résumer les révélations faites à Moïse au Sinaï.

Un système fort répandu, et qui a été exploité dans les sens les plus divers, veut qu’Esdras ait eu une part très considérable dans la rédaction du Pentateuque. Selon les uns, il aurait rétabli, de

  1. Voir ci-dessus, p. 812.