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de famille et se font au profit des prêtres, qui presque seuls en bénéficient ; Le don de prophétie se concentre dans le sacerdoce et devient à peu près le privilège du grand-prêtre aharonide. La pureté du cœur, si souvent prêchée par le Deutéronome, devient une pureté légale, tout extérieure. Isaïe et les prophètes de l’époque classique, si opposés aux sacrifices, sont complètement vaincus ; la dépense faite pour les sacrifices est seule considérée. Le pharisaïsme, que Jésus percera de ses traits les plus acérés, existe déjà avec tous ses caractères essentiels.

Les fêtes nouvelles ont un caractère expiatoire, qui les met fort au-dessous des anciennes fêtes consacrées à la joie. Le Iom kippurim (le Kippour d’aujourd’hui) et les jeûnes de pénitence prennent une place exagérée. L’idée des expiations (idée assez fausse, puisque l’homme n’a qu’un moyen d’expier le mal qu’il a fait, c’est de mieux faire) ouvre toujours la porte à des abus. L’Azazel est presque la seule superstition païenne qui ait forcé la main à Israël. Est-il possible que le peuple qui s’est émacié à force de poursuivre la superstition sous toutes ses formes, ait écrit des pages sur la manière dont ce misérable bouc devait être chassé au désert ? Déchéance inévitable, quand une religion se livre aux maîtres des cérémonies et aux sacristains.

Les jeûnes avaient de plus anciennes racines dans la religion d’Israël et des peuples sémitiques en général. On ne fit que les régulariser. On enracina ainsi de plus en plus une des idées fâcheuses du iahvéisme, c’est que Iahvé est jaloux de l’homme et se plaît à lui voir un extérieur humilié.

En fait, une Thora nouvelle à beaucoup d’égards se formait, et, comme la conscience religieuse du peuple exigeait impérieusement que toute institution fût rapportée à Moïse, les nouvelles révélations étaient rattachées comme des supplémens aux révélations plus anciennes du Sinaï. Toutes ces additions n’ont qu’un but, l’organisation sacerdotale de la nation, la constitution d’une autorité théocratique centralisée en Aaron. La dignité de grand-prêtre, inconnue sous l’ancienne royauté davidique, fut créée au profit de la caste aharonide. Cette dignité est héréditaire ; le grand-prêtre descend d’Aaron en ligne directe. Une sorte de légitimité fut ainsi créée à côté de celle de la maison de David expirante. La dynastie des grands-prêtres fut constituée en listes officielles, qui viendront jusqu’au siège de Titus. Les dîmes feront la force et la richesse de ce pouvoir nouveau. Israël n’est plus une nation ; c’est une communauté ecclésiastique. Jérusalem offrira le premier exemple de la matérialisation d’un pouvoir spirituel. La Rome papale y trouvera un modèle qu’elle saura magistralement imiter.