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catholicismes fort divers. Pour les uns, le culte de Iahvé était ce que le culte de Camos fut pour Mésa, ce que le culte de Salm fut pour Salmsézah. Pour d’autres, disciples des prophètes, le culte de Iahvé était gros de conséquences morales, sociales, politiques ; exactement comme, de nos jours, il y a une grande différence entre le catholique qui va de temps en temps à la messe et se fait enterrer à l’église, et le membre du parti ou l’adepte de l’école catholique, qui croit que le catholicisme est destiné à transformer le monde et à résoudre tous les problèmes politiques et sociaux.

Ce fut la captivité de Babylone qui fit définitivement d’Israël un peuple de saints. La cour et la classe militaire, presque toujours opposées aux prophètes, n’existaient plus. Les lévites, nombreux parmi les transportés, gardaient leur attachement aux choses religieuses. Les tièdes et les indifférens prirent vite leur parti et s’établirent, soit en Égypte, soit en Orient, où les emplois lucratifs ne leur manquèrent pas. Les piétistes se groupèrent, s’exaltèrent par leur rapprochement. Disciples, pour la plupart, de Jérémie, ils affirmèrent plus que jamais l’avenir d’Israël et la juste providence de Iahvé. C’est ici le moment décisif. La crise qui ne détruit pas une formation naissante la fortifie. Dès les premières années de la captivité, le groupe des saints, dispersés sur les bords de l’Euphrate, avait reconstitué un foyer de vie aussi intense que celui qui avait brûlé le sang juif, aux jours les plus enfiévrés de Jérusalem.

Un homme fut, dès les premières années de l’exil, le représentant passionné de ces idées, ce fut Ézéchiel. C’était un prêtre de Jérusalem, que les Chaldéens avaient enlevé lors de la première transportation (595) ; une demeure lui fut assignée sur les bords du fleuve Cobar. L’activité prophétique d’Ézéchiel dura au moins vingt années. Tandis que Jérusalem exista, il fut en correspondance avec ses coreligionnaires de Judée ; quand Jérusalem et le temple eurent disparu, toutes ses pensées n’eurent qu’un but, préparer la restauration d’Israël conformément à l’esprit des prophètes, dont il était l’ardent continuateur.

Un point, en effet, ne fit jamais l’objet d’un doute pour Ézéchiel et pour les pieux transportés de Juda, qui partageaient ses idées : c’était le rétablissement de Jérusalem. La réforme de Josias était devenue la loi du iahvéisme d’une façon si absolue, que l’idée d’un culte de Iahvé pratiqué hors de Jérusalem semblait une impossibilité. La religion, comme l’avait entendue Jérémie, était non-seulement un culte purement citadin, mais un culte qui ne pouvait se pratiquer que dans une seule ville. Telle était la force inouïe des institutions religieuses sorties de l’inspiration de Jérémie, que la destruction même de la ville qu’elles avaient consacrée