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chef-lieu du christianisme en Chine. Le gouvernement français eût été mal venu, croyons-nous, à les défendre contre eux-mêmes, à se montrer plus lazaristes qu’eux. Aujourd’hui, l’incident du Petang vient d’être réglé à la satisfaction de tous par une entente avec la France. L’envoi à Rome de M. Dunn n’a eu pour effet que d’ajourner la réalisation du désir de l’impératrice.

Autrement grave était la deuxième question pour laquelle l’ancien douanier de Tientsin avait été accrédité auprès du saint-siège apostolique, la question des relations diplomatiques directes avec le pape. Nous comprenons les perplexités du saint-père. Si les rapports entre la France et la papauté avaient le caractère d’intimité et de sécurité qu’ils devraient toujours avoir dans l’intérêt de notre pays, comme dans l’intérêt de l’église, il est probable que les ouvertures de M Dunn n’auraient pas même été discutées. Mais, en voyant les difficultés que le gouvernement français éprouve chaque année à obtenir le vote du budget des cultes et les crédits nécessaires pour l’ambassade auprès du Vatican, le pape a dû envisager l’éventualité d’une rupture possible et se demander si, dans cette hypothèse, il ne regretterait pas d’avoir écarté une combinaison qui lui permettrait, si son intermédiaire naturel venait à lui manquer, de s’adresser directement à la cour de Chine. S’il déclinait la proposition de M. Dunn, peut-être la Chine en concevrait-elle quelque mauvaise humeur et peut-être serait-il conduit à recourir un jour à des intermédiaires qui lui demanderaient un courtage honnête ou non.

Quelle que pût être la valeur de ces motifs, des considérations plus sérieuses militaient dans l’autre sens. Les lettrés chinois font peu de cas des chrétiens et nourrissent les plus mauvais sentimens envers eux tous, étrangers et indigènes. C’est un fait universellement connu. Il faut donc tenir pour certain que, si la Chine propose quelque changement dans la situation des missions et dans les garanties qu’elles possèdent, ce n’est pas dans l’intérêt des missions, mais à leur détriment. Je défie tout homme ayant étudié quelque peu les choses de la Chine de contredire cette affirmation.

L’intérêt du gouvernement chinois à ce qu’un nonce soit accrédité auprès de lui est bien facile à comprendre quand on connaît les procédés habituels de la diplomatie des hauts mandarins. On opposerait le nonce au ministre de France, on susciterait entre eux des différends, on attiserait les rivalités qui seraient la conséquence forcée d’un partage d’attributions mal définies, on userait du stratagème qui a si souvent réussi et qui consiste à diviser les négociations entre plusieurs agens pour les mettre en contradiction. Au reste, quelle pourrait être la situation d’un envoyé du pape à Pékin ? Et d’abord, de quel droit parlerait-il ? Il n’existe pas de traité entre la Chine et le saint-siège : il faudrait donc négocier un concordat.