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et l’Autriche, liée par les déclarations de ses deux ministres, Tisza et Kalnoky, aurait été obligée d’abandonner les négociations pour les armes.

Tout au contraire, la Russie, en rappelant son agent dont la mission avait échoué, a rendu simplement à la question bulgare son caractère international. Elle a fait savoir à Berlin et à Vienne qu’elle n’avait pas l’intention d’occuper la Bulgarie, mais qu’elle ne pouvait abandonner la revendication des droits privilégiés qu’elle tient et de ses sacrifices dans la guerre de 1878 et du texte même du traité de Berlin.

C’est une nouvelle campagne diplomatique qui s’ouvre. Les puissances sont saisies de la question. Il leur appartient maintenant de régler la question de l’union de la Bulgarie et de la Roumélie, d’avoir raison de la résistance des régens de Sofia, de rendre possible l’élection d’un prince par une nouvelle assemblée, enfin d’assurer à la Russie le rétablissement de son influence sur la direction des affaires de la principauté. C’est une œuvre difficile, mais c’est une œuvre de paix, et les puissances feront de grands efforts pour l’accomplir avant que la Russie se croie forcée de recourir à l’ultima ratio.

Les assurances pacifiques contenues dans le discours du trône lu à l’ouverture du parlement allemand, les déclarations du comte Robilant au parlement italien, celles de M. de Freycinet à la chambre des députés, ont contribué à dissiper les plus gros nuages à l’horizon politique européen. La spéculation, devant tant de harangues officielles affirmant qu’il n’y a rien à craindre et que la tranquillité générale ne sera point troublée, a été d’avis qu’il n’y avait pas à tenir compte des préparatifs belliqueux de la Russie, des arméniens de la Turquie, des dépenses extraordinaires de guerre proposées aux délégations austro-hongroises, de l’augmentation considérable de l’effectif de l’armée allemande, demandée par le discours du trône lu à Berlin, enfin des 400 millions de francs que notre ministre de la guerre se propose de demander au bon moment pour nos forteresses et l’adoption du nouveau fusil.

A l’intérieur, la chambre, ayant rejeté à la fois le projet de budget du gouvernement et celui de la commission, a entrepris d’en faire elle-même un nouveau, fondé exclusivement sur des économies. Le gouvernement s’est vainement efforcé d’arrêter la majorité dans son premier accès de zèle réformateur. Celle-ci est allée de l’avant, et dix fois par ses votes eût renversé le ministère, si celui-ci n’avait pris le sage parti de ne pas prendre la chose au tragique, comme l’a fort bien exprimé M. de Freycinet, et de se regarder provisoirement comme inamovible. Jusqu’ici, la chambre a réussi à économiser 6 à 7 millions. C’est peu, et cela a suffi cependant pour calmer son ardeur. On s’attendait bien à voir le président du conseil poser la question