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ne résistent pas au premier choc des intérêts contraires. Il est certain que l’alliance des trois empires a été assez malmenée, il y a quelques jours, devant les délégations autrichiennes, qu’elle a été faiblement défendue ou plutôt à peu près passée sous silence par le chancelier de Vienne, que la Russie a éprouvé quelque ressentiment du langage du comte Kalnoky, et qu’au premier abord on aurait pu croire a quelque danger de complications prochaines entre alliés de la veille. Il restait à savoir ce qu’on en penserait, ce qu’on en dirait à Berlin, et si on ne le sait pas encore bien exactement, puisque M. de Bismarck n’a pas eu l’occasion de prononcer un de ces discours qui éclairassent les situations, on le sait du moins à demi par le langage de l’empereur à l’ouverture du parlement allemand.

Le Reichstag a été en effet ouvert ces jours derniers à Berlin. Il a été inauguré par un discours que le vieil empereur n’a pas pu prononcer lui-même, qui a été lu en son nom par un de ses ministres, M. de Bœtticher, et ce discours, il faut l’avouer, rétablit un peu l’équilibre au profit de la paix. L’empereur Guillaume parle avec confiance de la paix, de l’entente entre les puissances, de la persévérance de l’Allemagne dans son action pacifique, de ses relations de « vive amitié avec les deux cours voisines. » Il est vrai qu’il accompagne ces déclarations rassurantes d’un petit supplément qui devient un des points principaux du discours impérial. Il demande au Reichstag le renouvellement du septennat militaire qui va expirer et une augmentation de 40,000 hommes dans l’effectif de l’armée de paix. Il justifie naturellement ces propositions par le développement de l’état militaire des autres puissances, qui accroissent sans cesse leurs forces, et une partie de la presse allemande, pour appuyer les projets impériaux, ne manque pas, bien entendu, d’évoquer le fantôme de la revanche française ou même de montrer en perspective l’alliance de la Russie et de la France contre l’Allemagne. Ce sont des polémiques qui ont déjà servi plus d’une fois, et elles se renouvellent aujourd’hui ! mais le langage tout pacifique de l’empereur Guillaume a, sans nul doute, une bien autre signification, une autre importance que toutes ces déclamations, et reste provisoirement l’expression de la politique allemande.

Que peut-on cependant conclure de toutes ces déclarations rapprochées, de ces discours prononcés un peu partout, à Londres, à Pesth comme à Berlin ? On peut distinguer que les rapports de l’Europe ont été certainement troublés par ces affaires bulgares, que depuis quelque temps, en dépit de la triple alliance, il y a des disséminions assez vifs entre la Russie impatiente de ressaisir la prépondérance dans les Balkans et l’Autriche inquiète des retours offensifs des Russes, que l’Allemagne reste néanmoins résolue à employer tous ses efforts pour maintenir ou pour rétablir une certaine entente. L’empereur Guillaume à