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partisan des économies, surtout sur les cultes, est venu la soulager en lui demandant un vote qui la dispensait d’avoir une opinion, qui renvoyait de compagnie la commission et le ministère à de nouvelles études ! D’un seul coup tout était à bas, et le budget du gouvernement et le budget de la commission. Il a bien fallu pourtant obéir à ce vote qui avait réuni une immense majorité, et on a essayé, en effet, de se mettre d’accord par des concessions mutuelles, auxquelles M. le ministre des finances s’est prêté avec une désolation plus naïve qu’efficace, — un peu aussi en ajournant une des questions les plus délicates ; mais ce n’était point là encore évidemment une solution. Le grand mot d’économie avait été prononcé ; le secret de la panacée souveraine était découvert, et la chambre impatiente s’est précipitée dans la voie des économies. Elle avait trouvé son mot d’ordre. M. le comte de Douville-Maillefeu était le triomphateur dans cet imbroglio d’un nouveau genre !

L’économie est sans doute une grande vertu, et elle aurait pu être aujourd’hui un des premiers, un des plus sérieux moyens financiers, puisqu’il est avéré que, depuis quelques années, il y a eu sans raison, sans nécessité, dans la plupart des administrations, d’étranges et inexplicables augmentations de dépenses. Comment se fait-il, par exemple, que le personnel et le matériel des administrations centrales, qui coûtaient 10 millions, il y a dix ans, coûtent aujourd’hui près de 20 millions ? Ce serait assurément une question utile à examiner. Encore cependant faudrait-il procéder avec un certain ordre, commencer par une étude attentive des services publics, savoir d’abord dans quelle mesure les économies peuvent être réalisées sans danger ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! La chambre n’en est pas à perdre son temps dans ces futiles études. Une fois lancée sur son chemin de Damas, elle ne s’est plus arrêtée. Elle n’a plus rêvé qu’économies, taillant et retranchant, s’attaquant aux services financiers comme aux services judiciaires. Vainement la commission du budget et le ministre des finances ont essayé de la retenir ; ils ont été eux-mêmes emportés dans le torrent, on ne les a plus écoutés. La chambre a continué, et lorsqu’enfin le président de la commission du budget, un peu excité, s’est levé pour déclarer que tout cela était pourtant étrange, que le budget n’était pas seulement l’affaire de la commission et du ministre des finances, qu’il était l’affaire du gouvernement, — que M. le président du conseil devrait au moins être présent, — cette sortie imprévue n’a fait qu’animer et compliquer l’imbroglio. M. le président du conseil croyait en effet, à ce qu’il semble, que cela ne le regardait pas. Il a comparu cependant, et, du premier coup, à force de vouloir mettre de la finesse dans sa tactique, faute aussi peut-être d’avoir reconnu le terrain où il était appelé à l’improviste, il n’a point été en vérité fort habile. Au risque de paraître abandonner le ministre des finances, il