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qui n’avait rien de hasardeux et de compromettant pour l’avenir. Survient un nouveau personnage, qui a pris de l’importance depuis quelques années : c’est la commission du budget, qui entre en scène, incohérente comme la chambre elle-même, comme la majorité qui l’a nommée, et cette commission, qui tient les cordons de la bourse, a commencé par prendre son temps, certaine probablement d’arriver toujours assez tôt, sans avoir besoin de se hâter. Elle a laissé passer les mois, elle a pris ses vacances, et le jour où elle a paru se mettre sérieusement à l’œuvre, soit pour attester son omnipotence, soit par une arrière-pensée de défiance et d’hostilité contre M. le ministre des finances, elle n’a trouvé rien de plus simple que de refaire un budget, d’imaginer des combinaisons toutes nouvelles. Ce que M. Sadi-Carnot avait fait, elle l’a à peu près complètement bouleversé, rétablissant le budget extraordinaire, qu’il avait supprimé, substituant à la surtaxe des alcools un impôt vague et mal défini sur le revenu, repoussant l’emprunt de un le ministre des finances pour le reprendre sous d’autres formes ou pour y suppléer en épuisant la réserve budgétaire de l’amortissement. La commission a tout changé, de telle sorte qu’à l’ouverture encore récente de la session, à un moment où il ne restait que quelques semaines avant la fin de l’année, on s’est trouvé avec deux systèmes, avec deux budgets dans une situation financière qui ne cesse de s’aggraver.

Voilà le commencement du gâchis ! Voilà le conflit allumé entre M. le ministre des finances et la commission du budget ! Il a été même un instant assez vif au début de la session, ce conflit, pour que M. Sadi-Carnot, qui se sentait peut-être d’ailleurs peu appuyé dans le conseil, ait cru devoir offrir sa démission, et il n’est resté, on l’a dit, que par une sorte de point d’honneur, pour ne pas quitter la broche sans combat ; mais ce n’était point-là évidemment une solution, ce n’était tout au plus que l’ajournement d’une crise qui s’est, en effet, ravivée plus que jamais dès qu’on est entré dans la discussion publique du budget. Les deux systèmes se sont retrouvés en présence au grand jour, devant une assemblée qui venait de passer plusieurs séances à écouter l’histoire des dépenses démesurées et des déficits accumulés, sans apercevoir encore le moyen de sortir de là. M. le ministre des finances a défendu avec une fermeté honnête et un peu morne ses projets ; la commission à son tour a longuement exposé ses idées et ses combinaisons. Budget contre budget ! à qui entendre ? à qui donner raison ? La chambre s’est sentie visiblement embarrassée, n’y voyant plus clair du tout, tiraillée entre le gouvernement et la commission. Elle a commencé à s’exaspérer, lorsqu’un de ces hommes qui ne se rencontrent que dans les occasions extraordinaires. M. de Douville-Maillefeu, radical humoristique, financier par circonstance, grand