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quelquefois plus royaliste que le roi, plus Anglais que le gouverneur de la colonie du Cap. C’était le temps où les Boërs accomplissaient leur pénible exode. Ne pouvant s’accommoder de la domination britannique, ces descendans de calvinistes hollandais et de huguenots français émigraient sans cesse au nord avec leurs bœufs et leurs serviteurs hottentots. Le gouvernement de la colonie pratiquait à leur égard une politique artificieuse, médiocrement évangélique. On leur laissait le temps de s’installer, de défricher, de bâtir, après quoi on les tracassait, on les obligeait à quitter la place, à s’en aller plus loin préparer de nouveaux territoires à l’annexion anglaise, et tour à tour on protégeait les indigènes contre les Boërs ou les Boërs contre les indigènes, à qui on reprenait de vive force les armes qu’on leur avait vendues fort cher et qu’on leur restituait gracieusement, quelque temps après ; ils devaient les payer une seconde fois, et c’est ainsi qu’on fait aller le commerce. Moffat avait pour les indigènes des entrailles de père et il détestait cordialement les Boërs, il s’indignait des ménagemens qu’on avait pour eux. Un Betchouana qui sanglotait en communiant lui semblait plus près de Dieu que ces calvinistes somnolens, qui n’entendaient rien à la physiologie de la conversion. Au surplus, il les considérait comme des rebelles à l’autorité anglaise. Lorsqu’il apprit, peu de temps avant de mourir, que le gouvernement anglais s’arrangeait avec eux, leur abandonnait le Transwaal, il en ressentit un cuisant et inconsolable chagrin. Les saints ne sont pas toujours des justes, les disciples de John Wesley ont souvent la paix à la bouche et la guerre dans le cœur.

Robert Moffat aimait peu les Boërs, il aimait encore moins la papauté et les papistes, et la pauvre Irlande ne trouva jamais grâce devant lui. Mais par une faveur de la destinée, il n’entra jamais en concurrence avec les missionnaires d’une autre confession. On le laissa tranquille chez les Betchouanas, peuple tout neuf qu’il défrichait, et, de son côté, ou par scrupule ou faute d’occasion, il ne fut jamais tenté d’envahir le champ d’autrui. Un prêtre de l’église d’Angleterre, établi dans la plus grande des îles Seychelles, écrivait dernièrement à un libraire de Paris : « Veuillez m’envoyer au plus tôt une histoire critique des reliques des saints, quelque chose sur le purgatoire, en vue de la controverse, l’histoire du domaine temporel des papes et de l’usage qu’ils en ont fait, quelques vies de papes, en choisissant les plus édifiantes, telles que celle d’Alexandre Borgia, une histoire très complète de l’inquisition, de la croisade des albigeois, de la Saint-Barthélémy, un livre intitulé : Taxes des parties casuelles de la boutique des papes ; je tiens beaucoup à cet ouvrage. Je voudrais bien aussi une bonne histoire des capucins. Ce sont les agens du pape aux Seychelles ; trouvez-moi quelque chose, je vous prie, et je vous en serai bien