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flattait de l’emporter sur toute la ligne. La diplomatie française, qu’on accusait de s’exagérer les tendances particularistes qui se manifestaient au sud du Main, se bornait à les constater sans se faire d’illusion sur leur portée. Elle restait froide, sceptique, en écoutant les sorties de M. de Varnbühler contre les empiétemens de la Prusse. « Un jour peu éloigné, écrivait le marquis de Chateaurenard, décidera entre le parti allemand et le ministre wurtembergeois ; je doute que les espérances de M. de Varnbühler se réalisent. »

Le prince de Hohenlohe n’avait pas l’intelligence primesautière du ministre dirigeant du roi de Wurtemberg ; il ne possédait pas comme lui l’art de manier les assemblées, de se montrer ou de s’effacer suivant les circonstances, de parler ou de se taire ; mais il avait en revanche le sens droit, le jugement fin. Timoré plutôt que résolu, il ne disait que ce qu’il voulait, mais ce qu’il disait était en général l’expression sincère de sa pensée. Il savait que la domination sur toute l’Allemagne était le but suprême que poursuivait la Prusse; mais malgré les caresses que lui faisait M. de Bismarck et bien qu’il le redoutât, il n’en défendait pas moins, dans la mesure de son tempérament, l’indépendance de son pays. S’il était opposé à l’entrée de la Bavière dans la confédération du nord, il tenait, d’autre part, l’isolement pour une situation fausse. Cependant il ne croyait pas qu’il lui appartînt de choisir ses alliés et de faire de la politique européenne ; il était convaincu qu’en s’appuyant sur une puissance étrangère, il blesserait le sentiment allemand et compromettrait les intérêts qu’il avait mission de défendre. Il ne voyait de possible qu’une intime entente avec la Prusse; c’était le dernier mot de sa politique. Il n’admettait pas que la Bavière pût se soustraire aux engagemens souscrits à Nikolsbourg. Il ne s’en cachait pas lorsque le marquis de Cadore le questionnait sur ses tendances. Notre ministre cherchait en vain à lui démontrer que les traités d’alliance ne prévoyaient qu’une agression directe contre l’Allemagne; il n’en soutenait pas moins que l’examen du casus fœderis était une réserve à peu près illusoire, et que si la Prusse, pour une cause ou pour une autre, était entraînée dans une guerre soit contre nous, soit contre l’Autriche ou la Russie, il serait bien difficile aux états du sud de ne pas l’assister. « La peur de la France, disait-il, et les préjugés qui existent contre elle sont des sentimens inhérens à tous les Allemands, et l’attitude du midi de l’Allemagne ne dépendra pas, le cas échéant, de la volonté d’un souverain ou d’un ministre, mais du mouvement de l’opinion et des circonstances dans lesquelles un conflit surgirait. » Le prince de Hohenlohe nous laissait peu d’illusions sur la neutralité éventuelle de la Bavière. Peut-être n’eût-il pas fait aussi bon marché du casus