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V

Notre opinion arrêtée, à nous autres modernes, étant que le meilleur code religieux est la liberté, puisque les croyances sont le domaine propre de la conscience de chacun, ces vieilles législations de l’Orient se présentent à notre jugement dans des conditions très défavorables. Le côté civil et politique, le côté moral, social, religieux, y sont confondus. Or, à tort ou à raison, nous ne voulons pas que l’état s’occupe des questions morales, sociales, religieuses. La charité et le droit nous paraissent deux domaines distincts. Peut-être est-il bon qu’ils soient maintenant séparés ; mais il est bon sûrement qu’autrefois ils aient été réunis. La force était l’unique reine de l’humanité primitive. Le faible n’eut d’avocats que bien tard. Nous croyons que les plus anciens avocats de l’opprimé furent les prophètes d’Israël. Le code né sous Josias, ce qu’on appelle le Deutéronome, est le premier code un peu étendu où l’on ait voulu établir pour le faible un système de garanties aux dépens des riches et des forts. Sans doute, le Livre de l’Alliance, antérieur de deux cents ans au Deutéronome, présente déjà, à côté de prescriptions assez barbares, de singulières attentions de propreté, d’humanité, de politesse. L’auteur du Deutéronome abonde encore plus dans ce sens. On ne poussa jamais plus loin l’amour des humbles, des délaissés. Nous l’avons vu, dans tous les actes religieux, faire la part du pauvre. Il aime le lévite, car le lévite est un pauvre. La veuve, l’orphelin, l’étranger isolé dans le pays, ne sont jamais oubliés.

Sur le prêt à intérêt, le Deutéronome ne fait guère que reproduire les prescriptions du Livre de l’Alliance. L’usure est interdite absolument entre Israélites ; elle est permise, encouragée même envers l’étranger. L’usure, à vrai dire, n’aurait pas de place en un Israël fidèle, puisque l’Israélite fidèle, spécialement protégé de Iahvé, serait à l’abri du plus grand des malheurs, celui d’avoir besoin d’emprunter.

Il n’y aura plus de pauvres parmi vous, car Iahvé vous bénira si vous l’écoutez. Vous prêterez à beaucoup de gens, sans avoir besoin d’emprunter vous-mêmes, et vous dominerez sur beaucoup de gens, et ils ne domineront point sur voue. S’il se trouve parmi vous un pauvre d’entre vos frères dans l’une de vos villes ou l’un de vos villages, vous n’endurcirez point votre cœur ni ne fermerez votre main, et vous lui prêterez de quoi pourvoir à ses besoins autant qu’il lui faudra. Gardez-vous d’avoir dans le cœur une vilaine pensée, de vous dire : « La septième année approche, l’année de relâche, » et de voir