Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le roi doit s’interdire les harems nombreux. Il ne doit pas posséder trop d’or ni d’argent. Il doit éviter l’orgueil et ne pas dédaigner ses frères, pour qu’il règne longtemps. Il se procurera une copie de cette loi, dont il demandera le texte aux prêtres lévites. Il l’aura toujours par devers lui et la lira pour l’observer de point en point.

On sent un esprit fortement antimilitaire. Le piétiste veut un roi à son image. Mais c’est là de sa part une grande inconséquence. Le roi est surtout établi pour les cas de guerre. Or la guerre est une chose de race. Le tempérament militaire est affaire d’hérédité et d’éducation. Une caste militaire ne saurait se laisser morigéner par des saints ; un roi ne doit tenir le programme de sa maison ni de démocrates ni de bigots.

Toutes les innovations religieuses de Josias se retrouvent dans le code qui fut l’œuvre de ses conseillers. L’invraisemblance et le manque de couleur locale eussent été trop choquans si Moïse, avant le passage du Jourdain, eût désigné Jérusalem pour le lieu unique du culte. D’un autre côté, la singulière invention par laquelle on chercha à rendre concevable l’unité du lieu de culte dès les temps mosaïques, la fiction du tabernacle, n’était pas née encore. L’auteur du code deutéronomique se sert d’une expression indéterminée : « A l’endroit que Dieu choisira, d’entre vos tribus, pour y établir son nom et pour y demeurer. » Cet endroit sera le seul où l’israélite pourra offrir ses holocaustes, ses sacrifices, ses dîmes, ses prémices, ses offrandes votives et volontaires, les premiers-nés de son gros et menu bétail. Les trois grandes fêtes de l’année doivent s’y célébrer en famille, avec les lévites, devant Iahvé. Nous l’avons déjà dit, le monde auquel convenait un tel code était extrêmement petit.

Ce devait être un étrange et touchant spectacle que celui de ces familles en voyage avec leurs offrandes, leur batterie de cuisine, leur clientèle de lévites et de pauvres. Les festins autour du temple, pleins de joie pieuse et de confiance en Iahvé, laissaient un précieux souvenir. A Jérusalem, les prêtres du temple s’y joignaient ; ces jours-là les lévites étaient rassasiés, ce qui n’arrivait pas fréquemment. Il est clair qu’une telle vie de voyages continuels n’aurait pu exister bien longtemps. Il faut toujours se souvenir que ces lois représentent un état de choses que l’homme de Dieu aurait désiré voir établi bien plutôt qu’un état réel de société. Il faut se souvenir, d’ailleurs, que Josias mourut en 609, que sa mort fut suivie d’une réaction antipiétiste qui ne finit qu’avec le royaume de Juda, si bien que le bel idéal rêvé par l’auteur du Deutéronome n’a guère duré que treize ans ; et certes plus de treize années eussent