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tribus du nord, venait un petit code, à la fois civil, criminel, moral, religieux, qui fut sûrement, le jour où on la rédigea (huit cents ans au moins avant Jésus-Christ), la loi la plus humaine et la plus juste qui eût été écrite jusque-là. Nous disons à dessein qui eût été écrite ; ce ne sont pas ici, en effet, des lois ayant eu, dès leur publication, une force exécutoire. Ces lois ne sont pas promulguées par l’autorité publique. Les prophètes, bien qu’ayant une grande puissance morale, n’avaient aucun pouvoir législatif. Ce sont donc ici des règles idéales, des utopies si l’on veut. C’est le code parfait, tel que le concevait un sage iahvéiste du IXe siècle avant Jésus-Christ.


L’esclavage est, aux yeux de l’auteur, la première chose qui demande à être légiférée.

Quand tu auras acheté un esclave hébreu, il servira six ans, et la septième année, il s’en ira libre sans rien payer. S’il est venu seul, il s’en ira seul ; s’il est venu marié, sa femme sortira avec lui. Si son maître lui donne une femme, et que celle-ci lui donne des fils ou des filles, la femme et les enfans de cette dernière seront à son maître, et lui il sortira seul. Mais si l’esclave dit : « J’aime mon maître, ma femme et mes fils ; je ne veux pas m’en aller libre, » on l’amènera devant Ha-élohim[1], et on l’approchera du battant de la porte ou du montant de la porte[2], et son maître lui percera l’oreille avec un poinçon, et l’esclave alors servira à perpétuité.

Si quelqu’un a vendu sa fille comme concubine domestique, elle ne s’en ira point libre comme les [autres] esclaves. Si [à l’âge nubile] elle déplaît à son maître, qui se l’était destinée, celui-ci doit la laisser racheter. [Dans le cas où personne ne se présenterait], le maître n’a pas le droit de la vendre à un étranger, puisque c’est lui qui a manqué de parole. S’il l’a destinée à son fils, qu’il la traite de la même manière que ses filles. Si [après avoir eu des rapports avec elle] il se choisit une autre [concubine], qu’il ne fasse aucune diminution à la première sur sa viande, ses vêtemens et sa demeure ; s’il ne lui donne pas satisfaction sur ces trois points, elle peut s’en aller sans rien payer en argent.

Celui qui frappe un homme, si celui-ci meurt, doit être mis à mort. Celui qui a tué sans intention, Ha-élohim ayant choisi sa main pour faire arriver la chose[3], je te fixerai un lieu où il pourra se réfugier[4].

  1. Ha-élohim semble indiquer un reste de polythéisme. Il s’agit, en tout cas, du temple local où Iahvé rendait ses oracles et recevait les sermens.
  2. La porte du temple peut-être. Je crois pourtant qu’il s’agit plutôt de la porte de la maison du maître.
  3. Il s’agit de l’homicide par hasard, le hasard n’étant jamais que la réalisation d’un arrêt divin contre quelqu’un. En ce cas, le vrai coupable, c’est le tué.
  4. Lieux de refuge, non distincts des lieux de culte.