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elle peut avoir encore une assez grande liberté pour rétablir son influence dans les Balkans ; c’est que, s’il y a partout des inquiétudes vagues et du malaise, il n’y a nulle part une volonté d’action, et, s’il en est ainsi, c’est que depuis longtemps l’Europe est dans une de ces situations où tous les rapports sont confondus, où tout est possible et où rien n’est possible. Une simple remarque ! Lord Salisbury, pour expliquer l’inaction de l’Angleterre, a dit l’autre jour qu’à trois époques en ce siècle, en 1828, en 1854, en 1877, la Russie a envahi la Turquie, et qu’une seule fois, en 1854, l’Angleterre s’est crue obligée d’intervenir pour sauvegarder l’indépendance de l’Orient. L’Angleterre est intervenue alors, c’est lord Salisbury qui le dit, parce qu’elle avait une alliée, — et cette alliée, c’était la France ! Ce serait peut-être une raison pour que l’Angleterre mît un peu plus de soin à ménager les relations avec un pays qui a eu ses malheurs sans doute, qui peut redevenir encore un utile allié dans les grandes affaires du monde. Et, pour notre part, le meilleur moyen de relever notre alliance aux yeux des peuples, n’est ce point justement cette politique de pacification intérieure qui a été conseillée l’autre jour, qui est la force d’une nation ?

Ch. de Mazade.



LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE.




Les préoccupations relatives aux affaires de Bulgarie n’ont pas empêché la spéculation internationale engagée sur les fonds d’état de poursuivre la campagne de hausse si vivement menée depuis quelques semaines. On sait que la principale impulsion vient de Berlin, où les banquiers ont entrepris d’acclimater toutes sortes de valeurs étrangères, depuis l’Extérieure d’Espagne et l’Unifiée d’Égypte, jusqu’à des emprunts de la province de Buenos-Ayres. Récemment, la rente portugaise a été l’objet d’un accueil non moins enthousiaste sur les places allemandes. Comme le marché berlinois est déjà extrêmement chargé de fonds russes, et qu’en ce moment même un syndicat de maisons de la capitale de la Prusse assume la tâche de placer les nouvelles obligations privilégiées créées par la Porte, on peut se demander si nos voisins ne commencent pas à oublier un peu le sens du proverbe : « Qui trop embrasse mal étreint. » Quoi qu’il en soit, en dépit de tous les incidens qui ont marqué la lutte des régens et de l’assemblée