Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre.

Les discussions du budget ont l’avantage d’être périodiquement comme un rendez-vous des opinions, comme un cadre flexible où passent et se succèdent tous les problèmes qui intéressent, qui passionnent ou occupent une nation. Elles peuvent être tardives, plus tardives qu’il ne le faudrait pour le bien du pays. Le jour du grand règlement de comptes arrive cependant, une fois au moins tous les ans. Ce jour-là on ne peut éviter de se mettre en face de la réalité et d’entrer dans le vif des choses ; on est nécessairement conduit à tout aborder par les côtés les plus sérieux, les plus positifs, — et c’est tout simple, puisqu’un budget est comme la condensation, comme la représentation chiffrée de la vie du pays, de ses forces et de ses intérêts, de ses élémens de fortune et de puissance. Napoléon prétendait qu’il éprouvait, à lire les états de situation de ses armées, autant de plaisir qu’à la lecture d’un roman ; c’est qu’il voyait de son regard perçant tout ce que ces chiffres représentaient : c’était son roman, à lui ! Un budget, qui est bien plus étendu, bien plus complexe que des états de situation, contient tout et embrasse tout. Il touche aux affaires extérieures, c’est-à-dire au rôle de la France dans le monde, comme aux affaires intérieures, aux grands ressorts de la puissance nationale, à l’armée comme au crédit, à la vie matérielle aussi bien qu’à la vie morale. Il donne la mesure des tendances, des méprises et des déviations, des progrès ou du déclin d’une politique, ne fût-ce que par l’histoire d’un crédit ajouté ou supprimé. Le budget a cela de curieux qu’il n’est en apparence qu’un aride assemblage de chiffres et qu’il dit tout, qu’il se prête à tout, qu’il a parfois l’éloquence de la démonstration la plus saisissante. Il peut être aussi le procès des gouvernemens et des partis qui