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était désorganisée ; dans le nord de cette province, les Apaches, Indiens belliqueux, canapés sur la rive du Rio Colorado, occupaient le littoral du golfe de Californie réputé riche en mines d’or. Plus au sud, les Indiens Yaquis, employés autrefois à l’exploitation des mines argentifères de Serbiate et de Prieta, s’étaient révoltés à la suite des mauvais traitemens qu’ils avaient subis et s’opposaient à la reprise des travaux. Les autorités mexicaines occupaient le port de Guaymas et la ville d’Hermosillo, à deux journées de marche dans l’intérieur, mais elles étaient impuissantes à rétablir l’ordre et à assurer la liberté des communications.

Des légendes fabuleuses circulaient parmi les mineurs californiens sur la richesse des placers de la Sonora. Bien avant la découverte de gisemens du Sacramento, ceux de la Sierra-Prieta étaient connus des Indiens, qui échangeaient leur poudre d’or contre des cotonnades et des verroteries. M. de Pindray conçut l’idée de recruter à San-Francisco des hommes de bonne volonté pour aller reconquérir sur les Apaches les terrains aurifères qu’ils occupaient. Il laissait à l’avenir et au hasard de décider s’il négocierait avec le Mexique ou entrerait en lutte avec lui pour obtenir la propriété des mines. Il réussit sans peine, grâce à sa réputation de courage et d’audace, à enrôler quatre-vingts travailleurs bien armés.

Parti de San-Francisco le 22 novembre 1851, à bord d’une goélette, le Cumberland, mise à sa disposition par des armateurs aussi aventureux que lui, il débarqua à Guaymas le 26 décembre suivant. Avec la connivence tacite des autorités mexicaines, il parvint à grossir sa petite troupe d’un certain nombre de recrues et se mit en marche pour les mines de l’Arizona. Médiocrement approvisionnés de vivres, ses hommes eurent beaucoup à souffrir dans ce voyage à travers un pays sablonneux, sans habitans et sans cultures, et quand ils atteignirent la région occupée par les Apaches, ils étaient à bout de forces et sans illusions sur l’issue de leur entreprise. Le mécontentement se mit dans leurs rangs et force fut à M. de Pindray de s’arrêter. Il s’établit sur un rancho à Coscopera et s’efforça de remonter le moral de ses compagnons, mais ses allures autoritaires jointes à l’insuccès de leurs efforts lui avaient aliéné leurs sympathies et, dans un accès de désespoir, il se brûla la cervelle. Le bruit courut qu’il avait été assassiné par l’un des siens. Après sa mort, quelques-uns de ses adhérens réussirent à rallier Guaymas et à regagner San-Francisco ; d’autres succombèrent en route aux privations et sous les coups des Apaches ; un petit nombre resta à Coscopera, traînant une existence misérable. L’expédition de Raousset-Boulbon recueillit plus tard quelques-uns de ces malheureux.