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des cours arbitraires, les pièces d’or de 20 francs, celles de 5 dollars des États-Unis, les souverains anglais et des pièces octogones d’une fabrication locale grossière et d’une valeur de 250 francs. En fait de monnaie d’argent, on utilisait les piastres mexicaines, chiliennes et péruviennes et les pièces de 5 francs. Pour les petits achats, on n’avait trouvé rien de mieux que de couper en quatre morceaux ces piastres dont les fragmens informes, baptisés du nom de mitraille, circulaient pour 1 fr. 25. Chacun, suivant sa convenance, hachait ainsi ses piastres quand il voulait se faire de la petite monnaie. La Californie étant un état producteur d’or, il semblait tout naturel d’y établir un hôtel des monnaies ; c’est ce que l’on eut quelque peine à obtenir du congrès. La découverte des mines d’argent de Nevada devait bientôt alimenter une frappe considérable.

L’exportation d’or pour 1851 dépassa 170 millions. San-Francisco reçut, par mer seulement, 27,000 émigrans. C’est en 1851 que l’immigration française atteignit son apogée. Composée d’élémens divers, elle devait jouer un rôle important dans l’histoire de la Californie.

Il est de mode d’affirmer, en dépit des enseignemens de l’histoire et des traditions du passé, que le génie français n’est nullement un génie colonisateur, que nos mœurs, nos habitudes, notre éducation, font de nous un peuple essentiellement sédentaire, peu porté par goût aux voyages lointains et moins encore à l’émigration. On ne saurait nier que les grands changemens introduits depuis 1789 dans nos lois et dans notre organisation sociale n’aient profondément modifié l’esprit aventureux de notre race. Le morcellement des terres a créé une classe nombreuse de petits propriétaires attachés au sol ; la suppression du droit d’aînesse et la restriction du droit de tester ont supprimé du même coup ces cadets de famille qui, au XVIIe et au XVIIIe siècles, peuplaient le Canada, l’Inde française, Bourbon, la Martinique, la Louisiane, portant haut le nom et les traditions de notre patrie. La diffusion de la richesse, et partant du bien-être, a créé des besoins nouveaux, des goûts de confort incompatibles avec la vie rude du colon. Nos révolutions successives, les dures épreuves que nous avons traversées nous ont rendus sceptiques et défians, peu enclins aux projets à échéances lointaines, plus soucieux d’une existence modeste, mais sûre en apparence, que désireux de conquérir au dehors une fortune incertaine au prix d’efforts qui nous effraient. Notre ignorance des langues étrangères froisse notre vanité et nous apparaît comme un insurmontable obstacle. Puis, nous sommes devenus timides et craintifs. L’idée de prendre en mains la responsabilité de notre