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n’être qu’un accident heureux. Deux autres faits, dus aussi au hasard, levèrent tous les doutes.

Dans le comté de Tuolomné, les mineurs ne pouvaient se procurer de viande que par la chasse. Chaque jour, il fallait se mettre en campagne pour ravitailler le camp. Acharné à la poursuite d’un ours gris, l’un de ces chasseurs réussit à l’abattre au sommet d’un ravin presque à pic. Dans sa chute, l’animal resta accroché par un rocher formant saillie. L’homme parvint à se glisser jusqu’à lui et se mit en devoir de le dépouiller. Un coup de sa hachette fit voler un éclat du rocher et lui révéla la présence de l’or dans une veine de quartz.

Enfin, dans la Nevada, deux mineurs se disposaient à quitter les mines pour regagner San Francisco. La veille de leur départ, se promenant au sommet d’une colline, ils s’amusaient à faire rouler dans le ravin des débris de roc. L’un de ces débris, dans sa course vagabonde, vint se heurter contre une roche brune affleurant le sol et en détacha un fragment révélant à l’œil exercé des mineurs un filon d’or formant veine dans la partie brisée. Ajournant leurs projets de départ, ils forèrent la roche, et, avec de la poudre, la firent éclater. La veine, mise à nu, se prolongeait, et ils en détachèrent des fragmens d’or pur. Les mines de quartz étaient découvertes, et une ère nouvelle allait s’ouvrir pour la Californie.


II.

San-Francisco progressait rapidement. Au rendement, chaque jour plus considérable, des mines d’or correspondait un nouvel afflux d’immigrans. On cessait de camper, on s’établissait ; on construisait; les tentes disparaissaient remplacées par des maisons de bois en attendant les magasins en briques et les palais en pierres. De tous côtés s’élevaient des hôtels, des restaurans. Deux incendies nouveaux anéantissent pour 60 millions de bâtisses. On se remet à l’œuvre, et les quartiers détruits renaissent de leurs cendres, plus solides et plus beaux. On commence à faire venir des briques de Londres et de Sydney, du granit de Chine, du fer des États-Unis. La vie matérielle devient moins chère ; de nombreux chasseurs approvisionnent la ville de gibier, les rancheros du sud l’alimentent de bétail. Les légumes sont encore rares, les fruits manquent, mais partout aux environs se créent des jardins maraîchers et des vergers.

Dans les bons restaurans tels que Delmonico, Sutter, Irving,