Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il a fait une œuvre ; son successeur n’a qu’à la développer avec la même prudence et dans le même esprit.

Une colonie qui ne fait pas trop parler d’elle et qui ne coûte quasi rien, c’est déjà, dans ce temps d’aventures maussades, un spectacle réconfortant. Rien de plus simple et de plus pratique que notre organisation tunisienne. Notre résident général, comme un maire du palais sous les Mérovingiens, gouverne auprès et sous le nom du bey, auquel on laisse la pompe extérieure. Deux ministres indigènes : l’un dit premier ministre, l’autre, ministre de la justice et de la plume, assistent le bey et dirigent les caïds ou gouverneurs. Les ministères réels, effectifs, ceux dont part l’impulsion, sont dans des mains françaises. Le général commandant le corps de troupes est le vrai ministre de la guerre: les directeurs des finances, des travaux publics, de l’enseignement, sont des Français expérimentés qui ont foi dans leur œuvre. Le secrétaire général du gouvernement beylical est un Français, secrétaire d’ambassade. Dans les provinces, on a institué des contrôleurs civils qui exercent auprès des autorités indigènes les mêmes fonctions de direction et de conseil dont est investi auprès du bey le résident général. Au lieu de procéder avec notre esprit géométrique, qui, d’ordinaire, nous a induits en tant d’erreurs, et de diviser immédiatement le pays en un grand nombre de circonscriptions administratives françaises, nous avons suivi la méthode expérimentale et graduelle. Nous n’avons eu d’abord que six fonctionnaires civils installés au Khef, à La Goulette, à Nebel, à Sousse, à Sfax et à Gafsa. On en augmente peu à peu le nombre, suivant les ressources du budget et aussi les ressources en hommes. C’est ainsi qu’on vient d’établir six nouveaux contrôleurs civils à Tunis, Kérouan, Souk-el-Djemaa, Souk-el-Arba, Beja et Bizerte. La Tunisie ayant l’inappréciable avantage de ne pas posséder de représentans au parlement français, on n’est pas assujetti, pour les choix, aux recommandations parlementaires et au principe nouveau de l’épuration à outrance ou de la rotation des offices, maux qui sévissent dans la métropole et y auront bientôt tout désorganisé. On prend des hommes capables, connaissant bien l’arabe ; on leur donne un rayon étendu. Quand la Tunisie possédera quinze ou vingt bons contrôleurs civils, elle sera suffisamment gouvernée.

La justice tend à se franciser : les tribunaux consulaires ont disparu. La loi du 27 mars 1883 a institué un tribunal de première instance à Tunis et six justices de paix, à Tunis, La Goulette, Bizerte, Sousse, Sfax et Le Khef. Cette organisation rudimentaire doit s’étendre avec le temps. Deux ou trois autres tribunaux civils pourront être établis quand la colonisation se sera plus développée, et les justices de