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travail et en salaire qu’en fêtes et en bombances. C’est bien là ce que voulaient les Médicis, plus jaloux de leur popularité que de son bien-être. On peut juger de ce que deviennent ces taxes entre les mains d’une démocratie sans scrupules, par un curieux document, c’est-à-dire par un des rôles de recouvrement du XVe siècle conservé dans les archives de Florence. Il comportait 10,600 contribuables ; ces 10,600 contribuables devaient fournir entre eux 34,770 florins. Par une échelle de progression, on avait recouvré 15,000 florins en sus sur les contribuables dont le revenu dépassait 50 ou 60 florins. L’échelle n’avait été applicable qu’à 1.859 contribuables sur les 10.600 ! La progression, remarque M. Say. avait donc imposé un sacrifice supplémentaire de 15,000 florins à 1,859 personnes seulement. Chacune d’elles avait payé un quart de cote, ou une demi-cote, ou trois quarts de cote, ou une cote entière en sus de sa part proportionnelle. Tels furent les constans procédés d’un régime de démocratie, de violence et de représailles, ou plutôt d’écrasement pour le parti vaincu, qu’il s’agissait non-seulement d’exploiter, mais d’humilier. Je dépasserais les limites de cette étude si j’entrais dans les détails de l’estimo et du catasto, cette dîme du contribuable, fondée sur un revenu cadastral, aux échelles multipliées à un degré qu’on ne saurait croire, et dont les tarifs gradués tantôt fonctionnent, tantôt se reposent, tantôt agissent d’une manière accablante, tantôt se modèrent selon les catégories, suivant l’état des partis et les besoins prétendus ou réels de la république. Mécanisme de la plus étonnante subtilité combiné pour la plus lourde oppression qu’on puisse imaginer !

Outre l’expérience faite en France des dixièmes et des vingtièmes, qui eut ses raisons d’être sérieuses et ne put échapper pourtant aux inconvéniens des impôts sur le revenu, notre histoire offre des essais qui eurent l’esprit démocratique pour origine et pour point de départ. La révolution a posé les principes modernes de l’impôt, et c’est d’elle qu’est sorti notre système financier auquel les critiques, même fondées, ne sauraient ôter sa valeur. Mais elle a traversé une longue période de tâtonnemens et d’erreurs, et là aussi on pourrait établir le contraste entre les deux démocraties. Je ne parlerai pas de la guerre excessive faite aux impôts de consommation. En cela, l’assemblée constituante empruntait à l’école des physiocrates ses vives répugnances contre des taxes que celle-ci regardait comme funestes entre toutes pour les classes populaires. L’exaltation démesurée des mérites relatifs de l’impôt direct est jugée aujourd’hui. Une forte part de l’impôt se présentant à la fois au paiement des petits contribuables leur est un fardeau insupportable. M. Thiers insiste, dans son livre de la Propriété, sur cette vérité de fait que la