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de mettre en œuvre ses théories, il répondait d’une façon invariable : « Ce n’est pas mon affaire ; vous êtes des hommes pratiques, tirez-vous-en comme vous pourrez! » c’était se faire la partie trop belle. On prétend trouver un fondement à l’impôt plus juste que l’impôt proportionnel, plus démocratique en ce sens qu’il offre un point d’appui plus favorable aux moins aisés. Tout au moins faudrait-il que l’on montrât que ce principe peut, dès à présent ou dans un avenir plus ou moins prochain, être largement applicable à l’ordre de faits qu’il s’agit de réformer. Quel est l’essai que l’économiste anglais ait seulement ébauché en ce genre? N’est-il pas fâcheux, en tout cas, de jeter la défaveur sur un système d’impôts en vigueur, et qui n’est assurément pas fait pour soulever l’indignation populaire, parce qu’il y a une fine essence de justice plus parfaite encore, qu’on n’essaierait de fixer dans les lois fiscales qu’en causant un plus grand mal que celui qu’on veut réparer ?

Tout cela ne prouve-t-il pas qu’on veut faire faire à l’impôt un métier qui n’est pas le sien en le chargeant d’égaliser les conditions ? Si c’était sa fonction, il ne s’y prendrait pas si mal. Nous objecterons à ceux qui font de l’impôt progressif poussé à outrance une machine de guerre contre la propriété, un moyen de supprimer l’inégalité, qu’ils feraient mieux d’employer des moyens plus directs et plus francs. Ils ont à leur disposition le collectivisme et la spoliation sans phrases. Quant à ceux qui vont moins loin, ils ne réussissent pas à atteindre l’espèce d’équilibre qu’ils veulent réaliser. Sera-ce l’équilibre, quand vous aurez obligé celui qui a 10,000 francs de rente à payer sur le pied de 3 pour 100, tandis que celui qui en aura 1,000 ne paiera que sur le pied de 2 pour 100? Les 20 francs que donnera le second lui coûteront plus que les 300 francs payés par le premier; il restera encore à celui-ci, après avoir acquitté l’impôt, 9,700 fr. pour vivre, tandis que l’autre n’aura plus que 930 francs. C’est se donner beaucoup de mal, créer bien des rouages, froisser bien des gens, exposer bien des intérêts, mettre la sécurité des propriétés et des personnes à de bien cruelles épreuves pour obtenir un assez mince résultat.

Ne peut-on du moins sans arbitraire faire jusqu’à un certain point de l’impôt lui-même et des exemptions de certaines taxes un a moyen compensateur » dans le cas où, par la nature des choses, des charges inégales, antiproportionnelles, pèseraient sur les uns sans peser autant sur les autres? M. Léon Say ne condamne pas l’emploi discret de ces moyens, d’un usage qui reste d’ailleurs extrêmement délicat, et qui n’offrent, on le devine bien, que des compensations à peine approximatives. C’est ainsi, par exemple, qu’une certaine part de Y income-tax pourra répondre ou être censée répondre