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dans les idées et dans les faits, c’est de s’attacher au fond même. C’est là ce que nous allons essayer de faire, en suivant toutefois un ordre un peu différent.


I.

Il semble que le premier soin d’une démocratie soucieuse de la raison et de l’équité devrait être, avant tout, d’éviter l’arbitraire dans l’impôt. On se convainc pourtant que rien n’est plus nécessaire à rappeler à la nôtre, en présence d’opinions qui se montrent peu scrupuleuses sur les moyens, pourvu qu’elles arrivent à un but réputé supérieur. Mais comment évitera-t-on l’arbitraire dans l’impôt? Pour quiconque en a étudié le mécanisme si délicat, il est clair qu’on augmente les chances d’arbitraire à mesure qu’on augmente l’étendue de l’impôt lui-même. Et comment cette étendue ne serait-elle pas extrême si on donne à l’état des attributions illimitées qui multiplient sans mesure les dépenses publiques? A cet égard, déjà, l’économie politique l’emporterait sur le socialisme. Je regarderais comme oiseux d’engager à ce sujet une discussion sur les limites de l’état, et sur l’opposition que l’auteur établit entre l’individualisme, auquel il donne toute son approbation, et la doctrine socialiste. M. Say n’avait pas à se proposer de marquer avec une extrême précision les attributions de l’état autres que la sécurité publique, mais il est telles de ces attributions dans lesquelles il semble ne voir que de simples concessions de « l’art de gouverner, » et qui pourraient bien avoir un caractère plus permanent et plus justifiable en lui-même. J’avoue, d’un autre côté, ne pas aimer le mot d’individualisme, qui, comme d’autres mots ayant la même terminologie, paraît indiquer un excès. Il en marque un très visiblement chez les partisans d’un certain radicalisme économique, dont n’est pas exempt, par exemple, le récent ouvrage intitulé : l’Individu contre l’état, de M. Herbert Spencer. Je ne veux pas discuter sur les mots. Aussi ne m’aventurerai-je pas à dire que, pour désigner l’homme, je préférerais le terme de personne, qui implique des droits, des devoirs, une moralité, au mot plus vague d’individu, lequel s’applique aussi à l’animal, à la plante même. On objecterait que c’est là de la métaphysique. Il est permis de trouver, en tout cas, que le terme d’économie politique libérale paraît suffire. Sous ces réserves, je tiens pour parfaitement fondé le parallèle entre les deux théories opposées au point de vue des chances plus ou moins grandes de l’arbitraire dans l’impôt.

Mais ce ne serait là encore qu’une vue trop générale. Il doit y Avoir des signes auxquels se reconnaît la tendance plus ou moins