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mené de compensation de fin septembre, cependant, le recul était sans importance, de 30 centimes sur les deux 3 pour 100, nul sur le 4 1/2. Mais, dans l’intervalle, la spéculation avait engagé un grand mouvement de hausse sur les valeurs, et ce mouvement, après s’être communiqué pendant deux ou trois jours à nos fonds publics, avait été brusquement interrompu, menaçant de faire place à un courant rétrograde qui allait emporter tous les résultats acquis.

La journée du 15 a été la plus mauvaise. On redoutait une occupation de la Bulgarie par les troupes russes, et toutes les conséquences qu’un acte aussi grave pouvait entraîner. On était sous le coup des nouvelles les plus pessimistes relativement à l’état de santé de l’empereur d’Allemagne. Les journaux anglais représentaient la France comme prête à déclarer la guerre au premier prétexte soit à l’Allemagne, soit à l’Angleterre elle-même pour obliger celle-ci à évacuer l’Egypte ou du moins à fixer la date de l’évacuation.

A l’intérieur, on s’inquiétait du conflit arrivé à l’état aigu entre M. Sadi-Carnot et la commission du budget. Le ministre des finances, se sentant mal soutenu par ses collègues, avait donné sa démission. Le gouvernement allait se trouver sans budget au moment de se présenter devant la chambre, et M. Wilson, dans un rapport général, déposé à la hâte, proposait diverses augmentations d’impôts, différentes de celles que M. Sadi-Carnot déclarait seules acceptables, et, en outre, l’établissement d’un impôt sur le revenu, applicable dans le courant de 1887.

Les idées étaient sombres, et la spéculation semblait prête à céder au découragement. Mais il y avait de grands intérêts engagés à la hausse. Divers groupes avaient entrepris de relever telles ou telles valeurs tombées depuis longtemps dans un discrédit injustifié. Un grand effort fut fait pour enrayer la baisse, et cet effort eut un plein succès. Le cours des événemens justifia la confiance optimiste dont les syndicats haussiers donnaient l’éclatant témoignage. A Paris, à Vienne et à Berlin, les intérêts menacés se coalisèrent et la reprise se produisit avec un grand ensemble sur toutes les places, reprise lente traversée de temps à autre par l’effet des réalisations, mais qui aboutit après deux semaines à des changemens de cours d’une réelle importance.

Un incident de politique intérieure était cependant survenu au début de la quinzaine, qui aurait pu de nouveau compromettre la campagne. M. Sarrien devant un vote de surprise de la chambre se retirait, menaçant d’entraîner avec lui trois de ses collègues. La Bourse ne s’émut nullement et eut bien raison. Car, le lendemain, toutes les démissions étaient retirées, même celle de M. Sadi-Carnot. On gagnait à cette petite tempête la reconsolidation du ministère, et le gouvernement avait retrouvé son budget.