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un homme précieux avec qui tout est affaire de tempérament et de combinaison. Il n’accordera pas du premier coup, si l’on veut, l’amnistie qu’on a voulu imposer l’autre jour à M. le ministre de l’intérieur pour les condamnés de Vierzon : patience, il a entendu la pétition, il accordera l’amnistie qu’on lui demande un peu plus tard, peut-être même avec le concours de If. le ministre de l’intérieur, comme il l’a accordée pour les condamnés de Decazeville. Il pourra, au premier abord, faire des façons pour subir l’impôt sur le revenu ; il négociera, il ne se refusera à rien et il finira par se prêter, avec une modération doucereuse, à une expérience dont les intérêts publics feront seuls les frais. Il ne prendra pas l’initiative des persécutions religieuses, de l’oppression des croyances, des puériles suppressions de crédits au budget des cultes ; il laissera tout s’accomplir, sans songer sûrement à jouer son pouvoir pour résister à une tyrannie du parti dont il subit le joug en prétendant le concentrer et le conduire. Avec cela il vivra peut-être, si c’est vivre pour un chef de gouvernement ; il prolongera l’existence de son ministère reconstitué pour quelques jours de plus, ou pour quelques semaines, c’est possible. Il ne sera arrivé, par le fait, qu’à créer cette situation où, de jour en jour, il aggrave la rupture du gouvernement avec toutes les forces modérées du pays, où il n’est plus au pouvoir que le prête-nom d’une politique prétendue républicaine, en réalité radicale et révolutionnaire, amalgame de toutes les passions de parti et de secte, déviation et démenti de toutes les traditions de tolérance et de libéralisme de la politique française.

Certes, s’il est un saisissant exemple de ces déviations et de ces excès que M. le président du conseil couvre de l’autorité de son nom puisqu’il est le chef du gouvernement, c’est cette loi sur l’enseignement primaire que la chambre vient de voter au pas de course, avec une sorte d’impatience fiévreuse, comme si elle craignait de voir lui échapper cette arme forgée et préparée pour une domination de parti. Oh ! ici le commandant en chef de l’opération, M. le ministre de l’instruction publique, est sûr de son affaire, il n’a pas à craindre de trouver une majorité divisée. Radicaux, opportunistes, républicains de toutes nuances marchent du même pas, vont au scrutin comme à l’exercice, sans s’arrêter aux observations et aux amendemens ; ils ne connaissent que la consigne, la consigne est de voter ! Vainement des députés conservateurs, M. de Lamarzelle, M. Faire, M. Piou, M. l’évêque d’Angers, M. de Mun, M. Lefèvre-Pontalis, se sont succédé à la tribune comme à une brèche ; vainement ils se sont efforcés de rappeler à ces législateurs effarés les principes les plus inviolables, les traditions libérales les plus invariables, les garanties les plus simples, et de défendre les droits des pères de famille, les droits des conseils municipaux dans le choix de leurs instituteurs ; les républicains n’ont rien écouté, ils ont marché en vrais sectaires à la délibération comme à une exécution,