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darmes et de glorifier les grèves. Notez que quelques-uns de ces interpellateurs de bonne volonté prétendent être les amis du gouvernement, qu’ils se disent ses alliés, qu’ils invoquent sans cesse les discours de conciliation de M. le président du conseil, avec qui ils sont en coquetterie, — et naturellement ils croient que, puisqu’ils sont les alliés du gouvernement, le gouvernement leur doit bien de ménager leurs amis les grévistes. Malgré tout, le ministre de l’intérieur, M. Sarrien, ne s’est pas laissé persuader que le gouvernement, pour avoir l’amitié et l’appui des radicaux, pût aller jusqu’à se faire le protecteur ou le complice des émeutiers, des désorganisateurs du travail. M. le ministre de l’intérieur a tenu bon, revendiquant sans marchander la responsabilité des répressions de Vierzon ; il a défendu sa police et ses gendarmes. M. le garde des sceaux Demôle a aussi défendu ses juges, violemment attaqués, et, au fond, le sentiment intime de la chambre était visiblement favorable au gouvernement ; mais c’est ici que tout se complique. Au moment du vote, M. le ministre de l’intérieur, allant droit devant lui, impatient de savoir à quoi s’en tenir, a réclamé un ordre du jour de confiance net et clair approuvant ses actes et sa politique. La chambre, qui semblait approuver sa politique à condition de ne pas le dire, a répondu au ministre par un modeste ordre du jour pur et simple, — et M. Sarrien a quitté fièrement le Palais-Bourbon, allant du même pas porter sa démission à l’Elysée, ajoutant familièrement, dit-on, qu’il en avait assez, qu’il préférait tomber ainsi. De sorte que ce n’était plus seulement M. le ministre des finances qui voulait quitter les affaires : M. Sarrien annonçait sa retraite. Le ministre de l’intérieur allait être suivi par le garde des sceaux, M. Demôle, puis par le ministre des travaux publics, M. Baïhaut, qui, lui aussi, dit-on, en a assez, puis, peut-être, par le ministre de l’agriculture, M. Develle, et enfin par ce qu’on peut appeler la partie la plus modérée ou la moins radicale du cabinet. Il n’y avait pas trois jours que la session était ouverte, tout était déjà en désarroi, et c’est ainsi que le gâchis, qui avait commencé avant la réunion des chambres, s’est trouvé un instant compliqué et aggravé, dès qu’on a été en présence, par une interpellation qui semblait d’abord à peine sérieuse. Comment sortir maintenant de là ? Ce n’était point assurément facile. M. de Freycinet a bien vu que, si la dislocation commençait, tout s’effondrait, qu’il allait se trouver, lui personnellement, dans le plus extrême embarras, désireux de garder le pouvoir, pressé d’un autre côté entre tous les partis ou fractions de partis, qu’il veut également ménager, qu’il s’efforce de retenir en les flattant et en les abusant tour à tour. Il a mis toute sa patiente souplesse, et il a été probablement aidé par M. le président de la république à rassembler et à rajuster les morceaux de ce ministère en désarroi. Il s’est ingénié à calmer les susceptibilités de l’impétueux ministre de l’intérieur, en