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si étrange manière leur rôle qu’elles exercent une sorte d’omnipotence. Elles prétendent pénétrer partout par leurs enquêtes ; elles disposent de l’administration, des services publics, des lois, du système d’impôts, et on ne voit pas qu’on ne réussit qu’à mettre l’incertitude et le désordre partout, qu’on ne fait qu’accumuler les difficultés par une sorte d’arrogance parlementaire, pour un plaisir vaniteux de domination.

La dernière commission, sans doute pour tout simplifier, n’a voulu rien moins que substituer au budget tel qu’il avait été présenté par M. le ministre des finances, tout un ensemble de combinaisons absolument nouvelles, rétablissant le budget extraordinaire supprimé par le gouvernement, moditiant certaines opérations, réduisant ou augmentant certaines taxes, — proposant enfin la recette merveilleuse, l’impôt sur le revenu. En sorte qu’après huit mois passés à ne rien faire, on en vient à soumettre aux chambres à la dernière heure un système improvisé, artiGcieusement combiné, mêlé, bien entendu, des éternelles économies sur les cultes, et assaisonné d’une nouveauté justement suspecte. Mais la commission, en proposant l’impôt sur le revenu, dit-elle du moins de quelle façon il sera établi et réparti, comment il se conciliera avec d’autres impôts qui atteignent déjà sous toutes les formes les revenus du contribuable français ? S’est-elle demandé dans quelle mesure et à quel moment il serait applicable, quelle influence il aurait sur le crédit, sur la richesse publique ? Elle ne paraît pas elle-même bien fixée. N’importe, elle a le mot, qui est à lui seul tout un programme, qui est fait pour être l’ornement d’un budget démocratique, radical, — et surtout chimérique ! Et voilà comment on procède pour préparer l’ordre financier ! Vainement, M. le ministre des finances, un peu étourdi des querelles et des difficultés qu’on lui suscitait, s’est fait un devoir de se rendre devant la commission, d’essayer de l’éclairer sur le danger ou l’inanité de ses combinaisons, surtout à ce moment extrême de l’année, de défendre ses propres projets : la commission a répondu sans façon à M. Sadi-Carnot en déclinant plus que jamais ses propositions, en maintenant le système qu’elle avait imaginé. Elle a même fini, après avoir passé huit mois à ne rien faire, par se hâter de présenter son rapport de peur qu’on ne vînt lui offrir quelque transaction. Ce n’étaii encore, il est vrai, que l’opinion d’une commission et il restait toujours la ressource d’en appeler à la chambre elle-même ; c’était une lutte que le gouvernement tout entier était intéressé à accepter et à soutenir. Néanmoins M. le ministre des finances, un peu dégoûté de ces préliminaires, assez peu sûr peut-être de l’appui de M. le président du conseil, a paru disposé à en finir sans plus attendre : il a tout au moins offert sa démission, et c’est dans ces conditions assez équivoques que la session s’est ouverte. On avait déjà un premier acte de l’imbroglio parlementaire, — en attendant un se-