Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passions, ressentimens, jalousies d’influence, intérêts avoués ou inavoués sont en présence et en mouvement, toujours prêts à se heurter. A tout instant, au moindre prétexte, le secret des situations troublées et des alliances équivoques se dévoile dans un conflit futile, dans un de ces incidens de discussion qui semblent être imprévus, qui ne sont le plus souvent que la manifestation de l’incohérence des partis et de la faiblesse d’un gouvernement. Après les discours, il y a les votes où éclatent les surprises, qui ne sont qu’en apparence des surprises, qui sont le résultat de tout un ensemble de choses. On est sans cesse à la merci du premier accident venu qui démasque l’anarchie d’une situation, et c’est tout simplement ainsi qu’est née récemment, dès les premiers jours de la session, cette crise ministérielle, suite d’une médiocre interpellation adressée au gouvernement sur sa politique à l’égard des grèves, notamment sur les mesures qu’il a cru devoir prendre pour maintenir la sécurité publique à Vierzon.

C’était un prétexte, ce n’était au fond qu’un prétexte. A dire vrai, on avait commencé à ne plus s’entendre avant même que les chambres fussent réunies, dès l’approche de la session. Le conflit qui s’est élevé, qui n’a fait que s’accentuer entre la commission du budget et M. le ministre des finances, était le préliminaire significatif de ce qui allait arriver, et, par lui même, ce conflit est certes le plus curieux spécimen de ce désordre des idées, de cette confusion de pouvoirs et de droits, où l’on se débat depuis longtemps, où rien n’est possible, où tout est possible aussi, parce que la direction n’est nulle part. Évidemment, en effet, on n’en serait pas là, on n’en serait pas à se demander encore aujourd’hui quel sera le budget de la prochaine année, comment ce budget sera composé et équilibré, comment même il pourra être voté, si les chambres ou les délégués qu’elles choisissent, au lieu d’arriver à la dernière heure sans avoir rien fait, comprenaient un peu mieux leurs devoirs envers le pays. Dès le mois de mars déjà, le budget était présenté par M. le ministre des finances, qui lui, du moins, a fait son devoir. Depuis huit mois, on sait qu’il y a des déficits à combler, peut-être des impôts nouveaux à voter, dans tous les cas des mesures à prendre pour rétablir l’ordre financier, profondément troublé, et c’est maintenant seulement, dans une session extraordinaire, aux dernières semaines de l’année, qu’on va engager des discussions précipitées, nécessairement insuffisantes, au risque de ne pouvoir échapper au triste expédient des douzièmes provisoires ! On n’en serait pas là non plus, on ne perdrait pas un temps précieux, si les commissions du budget restaient dans leur vrai rôle, si, au lieu de confondre tous les droits, toutes les responsabilités, elles laissaient au gouvernement la dignité de ses prérogatives, le droit d’initiative et de proposition, en restant elles-mêmes un pouvoir d’examen et de contrôle. Malheureusement, depuis quelques années, les commissions du budget en sont venues à comprendre d’une