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de journées, à réaliser un gros boni, à garder le plus possible les aliénés qui donnent un profit, en se débarrassant des autres. La séparation n’aboutit qu’à des tiraillemens, des conflits, confond les responsabilités, entrave les services. Un asile, a-t-on dit, dans son organisation et son fonctionnement tout entier, n’est qu’un immense moyen de traitement; tout, jusqu’aux dispositions architecturales des bâtimens, aux dimensions des appartemens, fait partie du traitement.

Il semble tout naturel que le gouvernement conserve la nomination du personnel médical, mais n’imposera-t-on pas au ministère quelques règles, lui donnera-t-on carte blanche? Alors que le souvenir de tant de nominations dictées par le favoritisme commande la prudence, suffira-t-il, comme par le passé, d’être muni d’un simple diplôme pour devenir le candidat préféré, tandis que partout on crée des chaires spéciales de pathologie et de clinique des maladies mentales, tandis que les jeunes médecins briguent les emplois d’internes des asiles avec l’espérance légitime d’y fournir une carrière honorable? Le concours public, préconisé par les aliénistes, n’a pas réuni tous les suffrages, et en 1874 M. Ferdinand Duval, alors préfet de la Seine, formulait spirituellement ses doutes sur son efficacité : « Imaginez la théorie du concours en exercice il y a cent ans; qu’à cette époque un homme de valeur se fût présenté avec toute la science moderne devant un jury de médecins spécialistes : soyez persuadés que, si on lui eût réservé une place à Charenton, ce n’eût pas été celle de directeur. » La commission sénatoriale admet le concours pour les médecins adjoints; quant aux médecins en chef, elle se borne à demander qu’ils soient recrutés parmi les adjoints ayant plusieurs années d’exercice et choisis sur une liste dressée par le conseil supérieur. En vain M. Bail a-t-il observé qu’elle s’arrêtait à mi-chemin et soutenu que le progrès scientifique, l’avenir de la médecine mentale, commandaient de placer l’épreuve à l’entrée et au milieu de la carrière à parcourir. Le concours est une excellente chose, mais dont il ne faut pas abuser. Pourquoi se montrer plus rigoureux ici que dans les facultés où on limite cette épreuve à l’agrégation, sans y soumettre le professeur titulaire? La direction d’un asile a de multiples exigences, et l’aptitude administrative, inutile au savant, au médecin-adjoint, devient chez le médecin en chef une qualité précieuse, qualité faite de tact, de jugement, de cette science du monde et de la vie, que tous les concours imaginables ne sauraient conférer.

Au dernier degré de l’échelle viennent les vingt-quatre quartiers d’hospice, création de l’ancien régime, qui continuent de fonctionner grâce à la tolérance du législateur de 1838. Les rapports des inspecteurs généraux ont maintes fois signalé le vice fondamental de ces établissemens, seuls réfractaires au progrès, tandis que les