Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant réussi à attirer sa femme en France par une lettre mensongère, il se présenta chez elle à onze heures du soir, escorté de la gendarmerie ; sur le refus d’ouvrir, les portes furent forcées et Mme U... emmenée de vive force à Besançon. La commission sénatoriale propose une série de mesures fort justes : déclaration au procureur de la république du domicile du malade, certificats légalisés dans le pays d’origine, notification au représentant diplomatique. Quant aux personnes qui sollicitent elles-mêmes leur admission, une demande signée par elles suffirait pour le placement provisoire.

Lorsque l’aliéné a obtenu sa guérison à l’asile et que le médecin le déclare, l’internement doit cesser aussitôt ; même avant la guérison, il peut prendre fin, quand la sortie est requise par le préfet, le curateur, un parent, un tiers autorisé par le conseil de famille ou le tribunal. Mais les sorties prématurées présentent des dangers sérieux lorsque l’aliéné doit se trouver dans de mauvaises conditions de milieu, matérielles ou morales; ainsi les placemens d’office visent d’ordinaire des indigens pour lesquels la redoutable épreuve du retour à la vie libre nécessiterait des précautions, des ressources, un patronage qui font presque toujours défaut. Dans leur intérêt même, l’administration qui a présidé à l’entrée doit s’occuper de la sortie, en s’assurant que leurs premiers pas au dehors trouveront un soutien. D’ailleurs toute personne intéressée, tout parent ou ami peuvent demander la mise en liberté au tribunal qui décide sur simple requête, en chambre du conseil, sans frais, sans considérans. Sous ce rapport, peu de lois étrangères soutiendraient la comparaison avec la nôtre ; elle atteindra la perfection si on ajoute que le réclamant pourra adresser sa demande sur papier libre sans avoir besoin de constituer avoué ou de fournir caution, si on rend toute cette procédure entièrement gratuite, et si l’on impose l’obligation d’avertir le préfet ou la famille, afin qu’ils puissent présenter leurs observations en temps utile. La liberté de correspondance existe déjà avec l’autorité administrative et judiciaire : doit-on aller plus loin, prendre pour modèles ces asiles étrangers, où l’on voit, à la portée des malades, une boîte aux lettres, dont le contenu est remis à la poste, sans passer sous les yeux du médecin-traitant? A l’unanimité, les préfets, les aliénistes ont pensé qu’il fallait maintenir un contrôle, que la pleine liberté de correspondance pourrait inquiéter les familles, alimenterait la folie par les idées mêmes et les influences qui l’ont fait naître.

A côté des sorties définitives, il convient de mentionner les sorties provisoires ou sorties d’essai, si usitées à l’étranger, et que les auteurs du projet consacrent en les entourant de sévères précautions : la loi de 1838 ne les prévoyait pas, le règlement de