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de contrôle des placemens. Leurs amendemens furent repoussés et ce qu’on avait prévu ne tarda pas à se réaliser : en dehors du ministère public, aucun fonctionnaire n’a songé à profiter de la faculté qui lui était ouverte ; ils se sont reposés les uns sur les autres du soin de visiter les asiles, et personne n’y est allé ; à force de s’émietter, de s’éparpiller, la responsabilité disparaît. Et, quant aux commissions de surveillance des asiles privés faisant fonction d’asiles publics, elles ont donné aussi de piètres résultats : leur objectif principal est l’intérêt départemental, et elles ne s’occupent guère des biens des aliénés non interdits. Sans doute, elles nomment un administrateur provisoire, mais, ne recevant ni traitement ni indemnité, celui-ci n’intervient point, s’il n’est sollicité par le préfet, le ministère public ou les notaires. Et cependant, que de circonstances exigeraient son initiative ! Qu’un ouvrier célibataire, par exemple, soit interné dans un asile, il laisse derrière lui ses outils, du linge, des vêtemens, parfois un petit mobilier dont la vente ne produirait presque rien et qui passent inaperçus. En sort-il au bout de quelques mois, il ne retrouve rien, tout a disparu, et il n’en faut pas davantage pour entraîner une rechute, car ces objets constituaient son pécule, toute sa fortune, ils lui étaient une province et beaucoup davantage; même observation pour les petits cultivateurs. Ailleurs, ce sont des aliénés possédant jusqu’à 3,000 livres de revenu, maintenus dans la catégorie des indigens et traités à tort comme tels.

L’absence d’un contrôle suffisant, les susceptibilités de l’opinion publique, l’exemple de l’Angleterre, l’expérience d’un demi-siècle, ont démontré la nécessité d’amples réformes. Parmi celles-ci, le gouvernement avait cru devoir ranger la garantie d’un double certificat médical, mais cette innovation a soulevé de graves objections de la part de l’Académie de médecine, qui a prouvé ses inconvéniens pour les malades des campagnes, les pauvres, les cas d’urgence. La quantité supplée-t-elle à la qualité et ne convient-il pas, en cette matière, de peser plutôt que de compter? Ne se formerait-il pas une classe de médecins dont le rôle consisterait à donner cette seconde signature moyennant finances, un peu à la façon de ce qui se passe entre les notaires qui sont toujours censés instrumenter à deux? Si, observe le professeur Bail, le premier médecin n’est pas capable de porter, en médecine mentale, un diagnostic précis, pourquoi le second le serait-il davantage? Deux incapacités ne font pas la monnaie d’un homme compétent. La commission du sénat s’est ralliée à l’avis de l’Académie de médecine : dans l’intérêt du malade, de la liberté individuelle, elle estime plus simple et plus sûr d’imposer au certificat médical unique les conditions, les garanties qui lui manquent; trop souvent, en effet, il est insuffisant, le médecin