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1842 une association (Association of the medical superintendents of American institutions for the insane) qui rend les plus grands services ; elle a indiqué une foule de perfectionnemens, fourni des instructions qui ont servi de types pour les règlemens intérieurs, tenté de faire prévaloir l’unité de principes, de direction scientifique, préparé, discuté elle-même un projet d’ensemble. « Si, disait le rapporteur, la folie est une maladie, les lois qui la concernent doivent prendre pour point de départ les observations faites par les médecins ; autrement, ces lois ne sauraient manquer d’être arbitraires et capricieuses. » Dans les comptes-rendus de ses meetings, l’association ne cesse de dénoncer comme un véritable fléau l’encombrement de la plupart des asiles et d’indiquer les remèdes possibles : établissemens ouverts, colonies sur le modèle de Gheel, réunions de cottages avec un hôpital central, placemens d’après le rite écossais. Remèdes bien insuffisans du reste, contestés par quelques-uns et auxquels on pourrait presque appliquer la formule de l’économiste : « Les moyens de guérison augmentent en proportion mathématique, le nombre des fous s’accroît en proportion géométrique. » De toutes parts retentit le même concert de plaintes. A Philadelphie, il faut mettre deux, trois malades dans les chambres aménagées à l’origine pour un seul, et souvent on remplit les corridors de lits étendus sur les planchers ; l’asile de Massachusetts, construit pour 250 aliénés, en contenait 470 en 1883 ; à New-York, le nombre des fous grandit de 10 pour 100 par an. Parmi les causes de cette aggravation on ne saurait passer sous silence l’ivrognerie, car elle semble avoir tout spécialement préoccupé les parlemens américains, qui à chaque instant la nomment dans leurs bills. En Géorgie, la loi, sous peine de 500 francs d’amende et de trente jours de prison, interdit, dans un rayon d’un mille autour de l’asile, toute vente ou distribution de liqueurs fermentées, soit à un malade, soit à un employé ; elle admet comme aliéné tout individu qui, à la suite d’une procédure spéciale, est déclaré ivrogne hors d’état d’administrer ses biens. Même règle à New-Jersey, au Tennessee, en Utah, au Kansas, qui assimilent aux fous les buveurs d’habitude ; au Minnesota, il y avait naguère pour eux un asile spécial qu’on a converti en établissement d’aliénés, tant on reconnaît de ressemblance entre les uns et les autres, tant il parait naturel de répéter le vieux proverbe anglais : « A man, un homme ; a thing, un ivrogne, une chose. »

On sait que l’Amérique est le paradis des femmes : elles peuvent y devenir doctoresses, avocates, ne se contentent plus du gouvernement occulte, mais aspirent au gouvernement légal, aux droits politiques, à la présidence de la république. Comment s’émerveiller si elles jouent un rôle dans la direction des asiles ? En Iowa, au Maine, elles font partie du conseil d’administration ; en Pensylvanie,