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pas sans exciter de vives critiques : les contribuables se plaignent de la libéralité des juges de paix, s’étonnent que des magistrats nommés par la reine règlent le budget des comtés ; les médecins demandent que la loi les assimile aux autres fonctionnaires civils et consacre leur droit à une pension de retraite, dût-elle être moins forte que celle qu’ils tiennent de l’arbitraire du comité des visiteurs. Le gouvernement paraît disposé à entrer dans cette voie, et, depuis quelque temps déjà, il promet d’organiser des conseils financiers de comtés, qui, espère-t-on, se montreraient plus économes des deniers de leurs électeurs.

A côté des asiles des bourgs et comtés, il faut placer les hôpitaux enregistrés, les plus anciens établissemens charitables, seuls, jusqu’en 1808, consacrés à la guérison des maladies mentales. Comme les autres hôpitaux anglais, ils ont pour origine, soit une fondation pieuse, soit une souscription entre particuliers, se soutiennent par des dons et des legs, s’administrent au moyen d’un conseil de surveillance que nomment les souscripteurs et observent en général les règles imposées aux asiles des comtés. Aujourd’hui, les hôpitaux enregistrés, au nombre de quinze, avec une population qui, au 1er janvier 1883, dépassait 2,834 malades, s’adressent surtout aux lunatics de la classe moyenne, qui, sans être réduits au paupérisme, se trouvent trop peu aisés pour payer la pension, très élevée, des maisons licenciées. Ils participent de l’asile privé, en ce que les contribuables n’ont rien à verser, que les pouvoirs de l’état ne les administrent pas et se contentent de les contrôler ; de l’asile public, en ce qu’ils sont des établissemens charitables constitués sans aucune pensée de gain, et que les bénéfices, s’ils en réalisent, servent à améliorer le sort des malades. Le bureau des commissioners a si bien reconnu les mérites de l’institution, qu’il a proposé à plusieurs reprises la construction, par le gouvernement, de quelques hôpitaux destinés à recevoir les pensionnaires de la classe moyenne. Dans son rapport de 1881, il constate l’insuffisance de ceux qui existent et la pénible nécessité où se trouvent des personnes d’une éducation supérieure, des avocats, des médecins, des prêtres, de vivre en commun avec les indigens dans les asiles publics.

« Tous les aliénés indigens de l’Angleterre ne sont pas admis de droit dans les asiles des comtés. Ces établissemens sont destinés, en principe, aux aliénés que leur état rend dangereux pour eux-mêmes ou pour la société, et à ceux qui ont chance de guérir sous l’influence d’un traitement approprié : c’est une sorte de séjour de faveur pour l’aristocratie des victimes indigentes de l’aliénation mentale. Quant à la masse des autres aliénés, imbéciles ou idiots de naissance, fous inoffensifs et incurables, vieillards atteints de démence tranquille ou de paralysie, ils trouvent un refuge dans