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composés de juges de paix et de médecins. Nommés par la reine, recrutés parmi la noblesse et la gentry du pays, investis d’attributions importantes, les juges de paix exercent leur charge gratuitement, le médecin seul est payé ; le comité des visiteurs joue dans sa circonscription le rôle du bureau des commissioners en Angleterre. La correspondance de l’aliéné avec eux est inviolable, mais lorsqu’il écrit à d’autres personnes, le superintendent peut lire sa lettre et, s’il le juge à propos, l’empêcher de parvenir à son adresse ; alors il mentionne sur la lettre même les motifs de cette mesure, qu’il soumet aux commissioners ou aux visiteurs.

Si l’aliéné indigent n’entre pas dans un établissement de la même façon que l’aliéné non indigent, il en sort plus difficilement aussi. Il faut que l’autorisation soit signée de trois visiteurs, tandis que, pour le lunatic pensionnaire, il suffit d’une requête de la personne qui a signé la demande de placement. Bien entendu, le médecin traitant a le droit de s’opposer, par un certificat motivé, à la mise en liberté, sauf appel aux commissioners ou aux visiteurs, qui, après deux visites, à sept jours au moins d’intervalle, statuent en dernier ressort. Ce sont eux aussi qui autorisent les congés temporaires à titre d’essai et, s’il s’agit d’indigens, leur accordent un secours hebdomadaire qui ne doit pas dépasser le prix de leur pension. Enfin le souci de la liberté individuelle est poussé si loin que toute personne sortie d’un asile, et qui prétend avoir été retenue sans motif, obtient gratuitement la copie des certificats médicaux et de la demande en vertu desquels on l’a séquestrée.

Entrons maintenant dans les asiles des comtés et des bourgs, où le confortable, ce mot si anglais, a réalisé de véritables merveilles. Quelques-uns, Banstead, Colney-Hatch, Hanwell, renferment deux mille lunatics environ et mesurent l’étendue d’une petite ville. Voici d’abord les bâtimens continus, à étages superposés, qui permettent une surveillance facile, offrent la plus grande commodité pour répartir les appareils de chauffage, distribuer l’eau, la vapeur, le gaz, organiser les services acoustiques, électriques, téléphoniques. Depuis quelques années, on a commencé à appliquer le système des constructions à pavillons détachés, qui reproduit à peu près le type de notre hôpital Lariboisière ; ainsi pour les asiles de Banstead et de Caterham. Le dortoir commun devient la règle, la chambre à un fit l’exception. Autant que possible, les malades mangent ensemble : ici, on sépare les hommes et les femmes ; là, ils prennent leurs repas dans une salle unique, avec des tables spéciales pour chaque sexe. Distraire les malades, maintenir chez eux quelques habitudes de décence, concentrer le service de table à côté de la cuisine et empêcher les alimens de se refroidir par de longs transports, tels sont les avantages de cette