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moindre attention, nous avons encore conscience de ces mouvemens et, par la volonté, nous pouvons de nouveau nous en emparer, les suspendre ou les précipiter. Le cœur, lui, ne fait sentir ses battemens que dans les cas d’exaltation ; mais, à l’origine, chaque battement devait être distinct pour la conscience. Il est probable qu’il a encore aujourd’hui son effet dans la conscience générale : quand le cœur cesse de battre, il se produit un sentiment de danger, de soustraction, de perte menaçante ; quelque chose manque donc à l’état normal de notre conscience. Enfin les mouvemens du cœur, chez certaines personnes, peuvent être soumis à la volonté : il est des hommes qui suspendent à leur gré les battemens de leur cœur, comme il est des femmes qui pleurent à volonté. Tous ces faits montrent que les « réflexes physiologiques, » — c’est-à-dire ceux qui sont organisés de manière à assurer la préservation de l’individu ou de l’espèce sans que l’individu lui-même y songe aujourd’hui et soit même averti de ces mouvemens, — tiennent cependant encore par des liens ténus à la sensibilité, à l’appétit, à la volonté ; et ces liens, parfois, chez certains individus ou dans certaines circonstances, se resserrent ou se renouent.

Au reste, les premiers rudimens des fonctions cardiaques et respiratoires, tels qu’ils se rencontrent chez les animaux inférieurs, sont des mouvemens qui s’accomplissent non point avec une constance automatique, comme chez nous, mais à des intervalles plus ou moins réguliers. Ils ont lieu, selon Wundt, « sous l’influence directe de certains instincts nutritifs ; » or les instincts nutritifs, qui sont l’origine de tous les autres, sont les types mêmes de l’appétit : ce sont des mouvemens provoqués par des émotions plus ou moins vagues de malaise ou d’aise, en vue d’une fin qui, pour n’être pas pensée, n’est pas moins cherchée : suppression de la peine et accroissement du plaisir.

Une autre considération confirme les précédentes : c’est que, chez les animaux inférieurs, ce ne sont pas des réflexes de nature exclusivement automatique qui constituent les premiers mouvemens corporels ; ce sont, au contraire, les mouvemens appétitifs et volontaires. Chez les êtres les plus infimes, dit Wundt, — par exemple les protozoaires, les cœlentérés, les vers, — les mouvemens corporels de caractère automatique et proprement réflexe sont postérieurs en date ; aussi offrent-ils chez ces animaux un degré de développement inférieur aux actes qui témoignent d’une sensation ou même d’une représentation, d’une impulsion instinctive accompagnée d’un sentiment sourd.

Ce qui a fait croire aux partisans de l’automatisme que la genèse des réflexes est indépendante de l’instinct et de cette réaction